Depuis 1946 et la création de la National Basketball Association, quelque cinq mille joueurs ont foulé les parquets de la Grande Ligue. Certains d’entre eux ont laissé une empreinte indélébile qui ne sera jamais oubliée. D’autres sont restés bien plus anonymes. Entre les deux ? Des centaines de joueurs, qui ont tour à tour affiché un niveau de jeu exceptionnel, mais dont on oublie bien souvent la carrière.
Dès lors, @BenjaminForant et @Schoepfer68 ont décidé de dresser – littéralement – le portrait de certains de ces acteurs méconnus ou sous-estimés. Au total, ce sont 60 articles qui vous seront proposés : un par année, entre les saisons 1950 – 1951 et 2009 – 2010. Pour chaque saison, un joueur a été sélectionné comme étendard, parfois en raison d’une saison particulièrement réussie, d’une rencontre extraordinaire ou encore d’une action historique …
Chaque portrait s’inscrira dans une volonté, celle de traverser l’Histoire de la NBA de manière cohérente. Ainsi, ces portraits (hebdomadaires) seront publiés dans un ordre précis : un meneur, un arrière, un ailier, un ailier-fort, un pivot. Au bout de cinq semaines, c’est donc un cinq majeur qui sera constitué. Les plus matheux d’entre vous l’aurons compris : au final, ce seront douze équipes, toutes composées de joueurs ayant évolué au cours de décennies distinctes, qui auront été composées.
A vous de déterminer lequel de ces cinq majeurs sera le plus fort, le plus complémentaire, le plus dynastique.
Vous trouverez en fin d’article les liens vous permettant de (re)consulter les articles précédents.
La jaquette
Pour chaque article, @t7gfx vous proposera ses créations. Vous y retrouverez une illustration du joueur présenté (en tête d’article) ainsi une présentation de chaque cinq majeur projeté (chacun avec une identité visuelle propre).
Le synopsis
Initialement, nous n’aurions pas dû parler de lui. Ne nous demandez cependant pas de farfouiller dans nos archives vieilles de plus d’un an pour retrouver à qui devait être dévolu le portrait de la saison 1993 – 1994 ; nous avons trop souvent changé d’avis pour vous répondre avec exactitude.
Et pourtant, Mitch Richmond est, avec quelques-uns de ses camarades, l’une des figures de l’Histoire de la Grande Ligue qui colle le mieux avec l’idée du Magnéto. Nous souhaitions parler de joueurs trop souvent oubliés ? Nous l’avions nous-mêmes snobé dans nos premières moutures. Il s’agit d’évoquer des joueurs mésestimés ? Il faut parfois s’armer de patience pour le trouver ne serait-ce que dans les tops élargis des meilleurs arrières de l’Histoire.
Mitchell James Richmond III est né le 30 juin 1965 à Fort Lauderdale, en Floride. Enfant de cœur et d’abord passionné de football américain, il tombera amoureux de la grosse balle orange au gré des exploits de Julius Erving, son modèle. C’est d’ailleurs sur le poste d’ailier qu’il est cantonné lorsqu’il réalise ses premiers pas sur les parquets. Cependant, son physique est celui d’un arrière : 1m96 et 100 kilos, c’est un peu juste pour défendre sur les postes 3 de l’époque.
Avec de l’entraînement, Rock devint ce que laisse suggérer son surnom : un véritable bulldozer. Mais pas seulement ; il démontra aux yeux de tous qu’il était également un excellent shooteur. S’il vous fallait un chiffre pour vous en convaincre, en voici un : sur un exercice complet, ils ne sont que 6 à avoir tenté leur chance à trois-points au moins 6,4 fois par rencontre avec a minima 43,7 % de réussite. Nous n’en retrouvons qu’un seul au 20è siècle : Mitch Richmond. Il est aujourd’hui accompagné par Peja Stojakovic, Klay Thompson (x 2), J.J Redick, Duncan Robinson et Stephen Curry (x 4).
Si vous n’êtes pas encore totalement convaincus du talent que possédait le bonhomme, nous vous invitons à nous suivre dans ce 57è épisode !
Action !
Après avoir fréquenté le lycée local de Lauderdale, Richmond eût une carrière universitaire en deux temps. En 1984, il intègre le Moberly Area Community College dans le Missouri. Sous le maillot des Greyhounds, il disputa deux saisons et inscrivit 1 023 points et en profita pour convertir l’intégralité des lancers-francs tentés lors de sa saison rookie. Son autre fait d’arme est d’être l’un des 29 joueurs de l’Histoire de l’université a y avoir scoré au moins 1 000 points, en demeurant cependant loin du record détenu par Malcolm Thomas (1 541 points entre 1981 et 1983).
Pour autant, il ne se présenta pas à la draft NBA après sa saison sophomore. Pour terminer sa carrière universitaire, il rejoint Kansas State. Avec les Wildcats, il brilla particulièrement, au point de rester dans les livres d’histoire de la faculté. Tout d’abord, il emmena l’équipe dirigée par Lon Kruger au tournoi final NCAA chaque année, pour une élimination au second tour en 1987 contre UNLV et au stade de l’Elite eight en 1988, après avoir éliminé Purdue (# 1 du pays) au tour précédent. Il réalise ce que le site officiel de l’université estime être la “meilleur carrière de deux saisons de l’histoire de l’université“, en marquant 1 327 points. Il clôt sa saison senior avec 22,6 points (51,4 % au tir), 6,3 rebonds et 3,7 passes décisives et la certitude d’être sélectionné haut dans cette cuvée de draft 1988. Avant d’en parler, opérons un rapide détour par Séoul, où l’équipe américaine et Mitch Richmond s’inclinèrent en demi-finale des Jeux Olympiques face à l’URSS, ce qui précipita la sélection des joueurs professionnels en 1992 à Barcelone.
La promotion de draft 1988 était certes pleine de futurs joueurs talentueux, mais ne possède en son sein qu’un seul futur hall-of-famer … Ainsi, derrière Danny Manning (#1, Clippers) et Rik Smits (#2, Pacers) mais devant Hersey Hawkins (#6, Clippers également), Dan Majerle (#14, Suns) ou Rod Strikland (#19, Knicks), Richmond est choisi par les Warriors de Golden State avec leur pick 5.
Golden State restait alors sur une saison conclue avec 20 victoires. Pourtant, on retrouve dans le roster le tout jeune Chris Mullin, l’ancien first pick de la draft 1980, Joe Barry Carroll, mais aussi les restes d’un Ralph Sampson pas encore trentenaire, mais déjà dans un état physique qui précipitera sa fin de carrière.
Ainsi, deux des trois bases du futur Run TMC qui allait enchanter l’ensemble de la baie de San Francisco sont désormais posées. En effet, le “M” s’avère être Mitch Richmond, qui ne va pas se rater pour ses débuts dans la Grande Ligue, avec 17 points, 8 rebonds et 5 passes décisives ; seuls 11 joueurs ont réalisé un tel premier match NBA dans l’Histoire. La saison rookie du Rock sera, une fois n’est pas coutume, un modèle de constance. Si l’on excepte une rencontre, qu’il ne pourra terminer en raison d’une blessure, il ne scora moins de 10 points qu’à une seule reprise (9 points pour la 60ème rencontre de la saison, perdue face à Portland). Par contre, on le retrouve en 38 occurrences entre 20 et 29 points, et à 9 reprises au-delà de la trentaine.
Plus encore que les remarquables performances de leur rookie, les Warriors se remettent à gagner. Pas tout le temps, certes. Il faut dire également que les voir faire pire que l’exercice précédent aurait relevé d’une incroyable habilité à s’enfoncer dans la médiocrité. Ainsi, après 20 rencontres, Golden State affiche le bilan de 8 victoires et 12 défaites. Ce n’est pas folichon, mais cela jette les bases d’une saison à 33 victoires. S’il a quelques difficultés à régler la mire au tir, Richmond sort de ce premier mois de compétition professionnelle avec des statistiques de rookie de l’année : 19 points, 5,6 rebonds, 3,2 passes décisives, 1 interception (42,5 % au tir, 30,8 % de loin, 80,6 % aux lancers). Il est clairement la seconde option offensive de l’équipe, derrière un Mullin entré dans son prime.
Dirigée par Don Nelson, l’équipe impose un rythme de jeu ultra-rapide, avec 107,3 possessions disputées par rencontre. Le revers de la médaille, c’est que si le defensive rating est moyen (12ème / 25), les Warriors restent l’équipe qui encaisse le plus de points par soir : 116,9. Cela se traduit évidemment dans certaines défaites : – 38 contre les Suns pour la 4ème rencontre de la saison, – 27 et – 30 face à Denver et Seattle pour les quatorze et quinzième. Il en ira ainsi toute la saison, les Rockets d’Olajuwon se permettant même d’en passer 40 dans la musette en fin d’exercice. Cependant, comme le disent tous ceux qui prennent ce genre de roustes : “mieux vaut perdre une fois de 40 points que 40 fois d’un point !”.
Si la défense ne fait pas de merveille(s), elle ne fait pas non plus obstacle à la belle série de 10 victoires en 12 matchs, réalisée à cheval sur les années 1988 et 1989. Cela coïncide – étonnant, n’est-ce pas – avec la période où Richmond passa la démultipliée. Cette fois-ci, ce n’est plus des statistiques de rookie de l’année qu’il présente, mais celles d’un joueur du mois : 24 points, 5,5 rebonds, 5 passes décisives, 1 interception (54,1 % au tir, 50 % de loin, 83,5 % aux lancers). Il sera d’ailleurs, fort logiquement, nommé meilleur rookie des mois de décembre et janvier.
À l’heure du All-star game, les Warriors sont pleinement dans la course aux playoffs, avec 25 victoires et 19 défaites. Ils sont, au moment du break, dans une série de 5 victoires consécutives, qui se poursuivit d’ailleurs une fois l’événement annuel passé. Le bilan, infiniment meilleur que celui de la saison passée, ne permet cependant aux hommes de Nelson de n’envoyer qu’un seul joueur au match des étoiles. Celui-ci fût Chris Mullin et ses 27 points de moyenne. Pourtant, dans d’autres circonstances collectives, Richmond aurait été le 39è rookie à être sélectionné au All-star game. Une performance qui ne s’est vue que deux fois au 21ème siècle : Yao Ming (2003) et Blake Griffin (2011).
Peu après le week-end des stars, l’arrière des Warriors réalisa sa plus belle rencontre de cette première saison décidément riche. Ironie du sort, il s’agit d’une rencontre remportée face aux Kings, franchise qu’il ne tardera plus trop à rejoindre. Avec un 17 / 24 au tir, il termine son match avec 47 points, 9 rebonds et 2 passes décisives. Une performance qui le projette dans le groupe des 7 rookies qui ont un jour rendu une telle copie : Wilt Chamberlain (5 fois), Walt Bellamy, Rick Barry et Michael Jordan l’ont fait avant lui, Charlie Villanueva et Blake Griffin lui ont succédé.
Auréolé du titre de rookie de l’année, de manière quasi unanime (80 points, le plus proche poursuivant en a reçu 4), Richmond dispute sa première campagne de playoffs. En effet, Golden State termina son exercice régulier avec 43 victoires et 39 défaites, mais surtout avec le 7è bilan de la conférence Ouest. Les Guerriers affrontent le Jazz du duo Malone – Stockton au premier tour, alors même que les mormons présentent le 3è bilan de l’Ouest (Phoenix affiche 55 victoires, Utah 51). Cela s’explique par le fait qu’en cette époque, les deux premières places de chaque conférence revenaient, peu importe le bilan, aux équipes qui remportaient leur division. Or les Suns terminèrent second de la leur, derrière les Lakers (57 victoires).
Peu importe, puisque les Warriors feront de la purée d’un Jazz bien trop tendre. Trois rencontres, trois victoires et une qualification surprise en demi-finale de conférence. Une qualification qui porte la patte d’un rookie. Prenons le temps de trois phrases pour effectuer un petit quiz : combien de joueurs terminèrent la première série de playoffs de leur carrière avec 25,7 points, 8,3 rebonds et 6,3 passes décisives de moyenne ? Un, et un seul.
En demi-finale de conférence, la némésis officielle de l’effectif de Don Nelson se présente : les Suns de Chambers, Johnson, Hornacek et Majerle. En saison régulière pourtant, sur les 5 affrontements entre les deux équipes, Golden State en remporta deux. Cependant, les défaites furent souvent marquantes : – 38, on l’a dit, mais aussi – 18 et – 30. Il en ira de même en ces demi-finales : si les Warriors remportèrent le game 2, ils seront éliminés en 5 petites rencontres, dont deux immenses camouflets : – 27 lors de la première rencontre, – 36 lors de la quatrième.
Avec le 14ème choix de la draft 1989, le front-office sélectionna Tim Hardaway, premier du nom. La saison 1989 – 1990 marque donc le début de la période Run TMC à Oakland. L’effectif est d’ailleurs renouvelé au cours de l’été, avec le départ de Sampson et les arrivées d’Alton Lister et de Šarūnas Marčiulionis.
Avec des extérieurs aussi talentueux avec la balle entre les paluches, le jeu déployé par les Warriors est attractif et spectaculaire mais pas spécialement efficace lorsqu’il s’agit de repartir avec la victoire. L’arrivée de Tim Hardaway déresponsabilise quelque peu Richmond de la création ; il passe de 17,6 % à l’assist percentage à 12,1, signe que la balle passe moins entre ses mains que l’année précédente. Pour autant, il reste toujours aussi fort lorsqu’il s’agit de scorer. Il avait terminé son année rookie avec 22 points / match en prenant 17,5 tirs par soir. Il en scora 22,1 lors de sa saison sophomore, avec un tir de moins. La régularité devint sa marque de fabrique, puisqu’il ne scora jamais plus de 32 points cette année-ci. On s’aperçoit surtout que s’il marque plus de 27 points, les Warriors remportent le match 92 % du temps : 11 fois sur 12.
Contrairement à la saison précédente, Golden State termina sa saison sans joute printanière et avec un bilan négatif : 37 – 45. Richmond s’affirme, pour l’heure, comme un excellent scoreur, dont le tir à trois-points reste encore inconstant. Ce point-ci n’allais pas tarder à être réglé.
En 1990 – 1991, la recette des Warriors reste la même : les joueurs courent dans tous les sens, la défense organise quotidiennement des journées portes ouvertes et l’attaque passe le plus clair de son temps à matraquer l’adversaire façon rue de Charonne. Ou façon Benalla Place de la Contrescarpe, si vous faites partie de notre lectorat le plus jeune. Le trio, toujours aussi époustouflant, devint le plus prolifique de l’Histoire, avec 72,5 points de moyenne / match. Richmond inscrit 23,9 d’entre eux, tout en s’affirmant également, de l’autre côté du terrain, comme un très bon défenseur sur l’homme.
La première rencontre de la saison illustre à merveille ce qu’étaient les Warriors version Run TMC. Ainsi, Golden State vint à bout de Denver sur le score de 162 – 158 … sans disputer de prolongation. 79 points pour le trio, bien soutenu par Tom Tolbert et Rod Higgins.
Le début de saison est très correct, avec un bilan de 12 – 8 après un mois et demi de compétition. Sur ces 20 matchs, Richmond fait ce qu’il réalise de mieux depuis désormais plus de 2 ans, c’est-à-dire à peu près tout : 24 points, 6,5 rebonds, 2,7 passes à 50 % au tir. En cette époque, derrière l’intouchable Jordan, il n’était pas loin d’être le second meilleur arrière de la Ligue.
Collectivement, une tendance se dégage assez nettement : si Golden State ne score pas au moins 110 points, il y a de grandes chances que ce soit l’adversaire qui soit reparti avec la victoire. Cela tombe plutôt bien, puisque les Warriors inscrivent en moyenne plus de 116 points par soir. The Rock, lui, réalisa un mois de janvier 1991 absolument ahurissant : 27,5 / 6 / 3,5 / 2 à 52 % au tir et 10 victoires pour 4 défaites. Ce qui lui valut la seconde place au trophée de joueur du mois, remis à David Robinson (27 / 14,5 / 3 / 4,5 contres, 12 victoires et 5 défaites).
Et pourtant, une fois encore, le All-star game se déroula sans lui. Les Warriors enverront quand même deux joueurs, Mullin et Hardaway. Richmond ne doit pour autant pas être considéré comme la troisième roue du vélo. Il termina la saison comme il l’avait commencée, avec les pieds dans le phare. Il réalise ici le meilleur exercice de sa carrière, avec 24 points, 6 rebonds et 3 passes décisives. On ne le retrouve cependant pas dans l’une des All-NBA team, éclipsé par un Chris Mullin injouable.
Qualifiés pour les playoffs, les Warriors croisent le fer avec les Spurs, troisième de la conférence Ouest. Les Texans ne firent pas le poids et s’inclineront en 4 petits matchs (3 – 1). Les Lakers de Magic Johnson constituent une adversité toute autre, et n’auront guère à s’employer pour rejoindre les finales de conférence (4 – 1). Loin de sous-performer, Richmond réalisa des playoffs dans ses standards, sans coup d’éclat néanmoins.
Il vient de terminer sa troisième saison professionnelle, pour deux éliminations en demi finale de conférence. Le front-office des Warriors, qui attend de son effectif des résultats supérieurs, se demande s’il n’est pas le temps de dissoudre – déjà – son illustre trio. Hors de question toutefois de se séparer de Chris Mullin, véritable franchise player de l’équipe. Le 1e novembre, le couperet tomba et trancha la tête de … Mitch Richmond. Avec le recul, la contrepartie obtenue par Golden State dans le trade est incompréhensible ; en l’échange de leur arrière, qui a toujours a minima inscrit 22 points tous les soirs en plus d’être un défenseur solide, les Warriors reçurent … Billy Owens.
Ainsi, le désormais ancien numéro 23 de la baie fût prié de monter dans l’avion, destination Sacramento. A posteriori, Don Nelson n’est plus si sûr d’avoir réalisé un bon deal :
“C’est le pire transfert que j’ai fait. Mitch était une star. C’est le regret le plus important de ma carrière”.
Cela vous situe un peu l’affaire que réalisa Golden State en cette veille de la célébration des défunts. Il existe toutefois un autre grand perdant dans cette opération, et il porte maintenant le numéro 2 du sublime maillot violet des Kings. Richmond disputa 7 saisons au sein de la capitale californienne, pour un total de 4 rencontres de playoffs. Autrement formulé, il passa son prime à disputer des rencontres de saisons régulières. Rien ne caractérise plus le gâchis.
Parce qu’effectivement, le roster de Sacramento est catastrophique en 1991. Ou, à tout le moins, rend impossible la quête de la post-season. Derrière The Rock, nous retrouvons le minuscule Spud Webb à la mène, mais aussi Lionel Simmons et Wayman Tisdale à l’aile. Et c’est à peu près tout.
Vous comprendrez dès lors que nous nous éternisions pas sur les saisons 1991 à 1993. Sur les deux saisons, les Kings ne remportèrent que 54 rencontres. Pourtant, Richmond, telle une horloge Suisse, score toujours autour des 22 points / soir, avec ses 4 rebonds et ses 5 passes décisives. Il reste donc dans les standards qui furent les siens à Golden State. Simplement, autour de lui, le casting est insuffisant pour espérer ne serait-ce qu’exister dans la conférence Ouest. Il en résulte qu’à 27 ans, alors même qu’il a toujours inscrit au moins 21,9 points par soir, Richmond n’a été All-star qu’à une reprise, en 1993, dans une équipe qui ne gagna que 25 matchs sur l’ensemble de l’exercice. C’est vous dire si, tel le Bradley Beal des années 1990, il s’échinait principalement dans le vide.
Cela se traduit par cette anecdote peu enviable ; au cours de ses 4 premières saisons en carrière, Mitch Richmond a inscrit 7 104 points. C’est le 27ème total de l’Histoire de la Grande Ligue. Par exemple, c’est simplement 110 points de moins que Larry Bird. C’est l’unique joueur du top 45 à ne pas avoir été All-star au cours de l’une de ces 4 saisons. Dans le top 50, clôturé pour l’heure par Isiah Thomas (6 547 points), seul Darrell Griffith (46ème) est dans une situation similaire. Richmond est donc le violoniste qui continue à jouer inlassablement alors que le bateau a coulé depuis longtemps.
L’oscar de la saison 1993 – 1994
Pour sa 6ème saison professionnelle, sa 3ème chez les Kings, the Rock se retrouve encore dans un roster dénué d’un lieutenant correct. Voyez par vous-même :
Dans une NBA actuelle, qui appartient majoritairement à ses joueurs, il ne fait pas de doute que la superstar de l’effectif aurait demandé son trade, et fissa. Ce n’était pas la mode il y a trente ans, alors que les propriétaires avait encore la main mise sur la Ligue. Hakeem Olajuwon et Patrick Ewing peuvent vous le confirmer.
La première dizaine de rencontres n’est pourtant pas aussi mauvaise que les supporters auraient pu le craindre, avec 4 victoires, dont une contre le rival des Lakers. Les espoirs naissant vont cependant vite être enfermés au fond du placard sombre, tant la suite de la saison n’offrit que trop rarement de la joie à ces mêmes supporters. Pourtant, l’arrière maison continuait, encore et toujours, sur le même tempo. Il pourrait lui être reproché de n’avoir jamais su passer le cap supérieur, qui lui aurait permis d’aller scorer 28 points tous les soirs. Cela aurait d’ailleurs peut-être permis à Sacramento de viser autre chose que la prochaine draft. Pour l’heure, il propose ce qu’il a toujours proposé, sans que les défenses adverses ne puissent y faire grand chose. Cela nous offre quelques performances de grande classe :
- 19 nov. 1993 @ Minnesota : 30 points, 9 rebonds et 7 passes décisives à 62,5 % au tir, dans une défaite (- 5) ;
- 26 nov. 1993 vs Houston : 32 points, 11 rebonds et 3 passes décisives à 54,5 % au tir, dans une défaite (- 3) ;
- 27 déc. 1993 @ Orlando : 40 points, 8 rebonds, 3 passes décisives et 1 interception à 54,5 % au tir, dans une défaite (- 12).
À notre sens, deux informations majeures peuvent être retirées de ces trois lignes statistiques. Tout d’abord, mais ce n’est pas une nouveauté, Sacramento perd. Que les fans patientent encore un peu, bientôt ils auront droit au Greatest show on court. Ensuite et surtout, Mitch Richmond est un scoreur propre. Loin d’être un “croqueur”, il se démarque par une efficacité redoutable au tir, qui se confirme désormais même à trois-points, avec 40,7 % de réussite sur l’ensemble de la saison 1993 – 1994 (4 tentatives / match). En somme, sans parler de toute ressemblance capillaire, Richmond est une sorte de Monsieur Propre.
Le All-star game 1994 se disputa le 13 février à Minneapolis. Les Kings ont un bilan de 15 victoires pour 28 défaites. Si le train des playoffs est déjà douze gares plus loin, the Rock put monter dans celui du match des étoiles, en première classe. En effet, il est l’arrière titulaire de la conférence Ouest, et se retrouve aux côtés d’Hakeem Olajuwon, Shawn Kemp, Karl Malone et Clyde Drexler. Passer de Trevor Wilson et Olden Polynice à Karl Malone et Hakeem Olajuwon, ne serait-ce que le temps d’une soirée, cela doit quand même vous faire tout drôle.
En sortie de break, Richmond réalisa le premier triple-double de sa carrière, dans une victoire face à Philadelphia : 31 points, 12 rebonds et 10 passes décisives à 66,7 % au tir. Il rééditera la performance deux fois, quelques années plus tard.
Nous aurions encore bien voulu disserter longtemps sur cette saison 1993 – 1994. Force est pourtant de constater qu’il n’y a guère de choses à dire. Terminons donc en énonçant que pour la première fois de sa carrière, Richmond est sélectionné dans une All-NBA Team : la seconde, avec Kevin Johnson, Shawn Kemp, Charles Barkley et David Robinson. La consécration est rare pour un joueur qui a remporté 28 rencontres au cours de la saison. Ainsi, en moyenne, les 14 autres membres d’une All-NBA Team cette année-ci ont remporté 52,2 matchs. Seul Dominique Wilkins, membre de la troisième de ces équipes, affiche un bilan négatif : 27 victoires avec les Clippers. Cela illustre encore, si besoin était, l’impact extraordinaire de Richmond non seulement sur son équipe, mais surtout sur la Ligue.
Pourtant, une nouvelle fois, son palmarès collectif reste désespérément vierge. Au sein de l’individuel, nous retrouvons, pour rappel, le titre de rookie de l’année. Les deux volets du palmarès du Rock allaient se garnir d’ici la fin de sa carrière.
Le générique de fin
Le prime de Mitch Richmond allait encore durer quatre années, qui coïncident d’ailleurs avec sa période sous le maillot des Kings. La saison 1994 – 1995 le voit, une fois encore, terminer l’exercice régulier avec 22,5 points, 4,5 rebonds et 4 passes décisives. Dans une analogie douteuse, nous pourrions dire que l’arrière et son numéro 2 sont le “All I want for Christas is You” de la Grande Ligue : ils reviennent chaque année au sommet. Il aura à nouveau les joies de la sélection au All-star game, et profite de la rencontre pour repartir avec le trophée de MVP. Remplaçant au coup d’envoi, il ponctue ses 22 minutes de jeu avec 23 points (10 / 13 au tir), 4 rebonds et 2 passes décisives. Une performance qu’il accompagnera de l’un de ses seuls éclats de rire de sa carrière :
“J’avais l’habitude de voir ce match à la télé. Tu rêves forcément de te retrouver sur le terrain à ce moment-là. Je vis un rêve de gosse”.
Le rêve de retourner en playoffs, lui, n’est toujours pas atteint. Toutefois, Sacramento s’en rapproche, avec ses 39 victoires. Une sélection dans la All-NBA second Team plus tard, le Rock plonge dans sa 8ème saison professionnelle, qui le mènera aux Jeux Olympiques d’Atlanta, qu’il remporta avec la Dream Team III. Il est désormais un incontournable du match des étoiles, tandis qu’il continue, encore et toujours, de marquer 23 points tous les soirs. De plus, un bonheur n’arrivant jamais seul, les Kings se qualifièrent pour les playoffs 1996, en arrachant le 8ème spot avec 39 victoires. Ils perdront logiquement face aux Supersonics (3 – 1), pour ce qui reste la seule incursion en post-season du Sacramento version Richmond.
La saison 1996 – 1997 demeure son petit chef-d’œuvre personnel. Il y réalise son troisième et dernier triple-double (38 – 10 – 10, dans une victoire + 5). Surtout, il semble avoir passé le fameux cap que nous évoquions ci-dessus. Sur les 81 rencontres disputées, il marqua 25 points en 48 occasions. Comme à son habitude, il ne tutoie pas de sommet, même s’il atteint la barre des 40 points à deux reprises au cours de cet exercice. Avec ses 25,9 points / match, il termine 4ème scoreur de l’année, derrière Rice, Malone et Jordan. Une performance à nouveau extrêmement propre, puisque le bonhomme s’est permis de tirer à 46 % de moyenne, dont 42,8 % de loin sur 6 tentatives et 86 % aux lancers-francs.
Il célébra sa dernière sélection au All-star game, mais également au sein d’une All-NBA Team l’année suivante, en 1998. C’est également la dernière saison qui le vit dépasser la barre des 20 points de moyenne (23,2). Ainsi, Mitch Richmond dépassa cette barre lors des 10 premières saisons de sa carrière. Sur cette période, il est le 25ème meilleur scoreur de tous les temps, avec 17 371 points. Il devance des joueurs comme Julius Erving, son idole et modèle, John Havlicek, Dirk Nowitzki ou Kobe Bryant. Le tout sans faire plus de bruit que la nuit qui tombe.
Son “idylle” californien prend fin le 14 mai 1998, quand il est transféré avec Othis Thorpe à Washington, contre Chris Webber. Un trade qui mènera aux plus belles heures récentes de la franchise. Un trade qui ne scella pas la carrière de l’arrière, qui sur les trois saisons passées à la capitale, scora 17,8 points de moyenne, alors qu’il avait entre 33 et 35 ans. Il demeure l’un des trois, voire quatre, joueurs les plus marquants de l’Histoire de Sacramento. Nous voulons bien connaître, à cet égard, l’avis des aficionados de la franchise.
Il réalisa une dernière pige en 2001 – 2002 aux Lakers. Il prit part, mais depuis le banc, au scandale du game 6 qui opposait les Angelenos aux Kings. Il disputa, pour l’honneur, 1 minute et 24 secondes de jeu pour la dernière rencontre de sa carrière, disputée et remportée face aux Nets, lors du game 4 des finales NBA. Il y inscrivit 2 points. Ses 2 seuls à ce stade de la compétition. Mais qu’importe : à l’instar, par exemple, de David Robinson et de Bill Russell, il s’en va à la retraite sur un trophée NBA. Tout vient à point à qui sait attendre.
Crédits et hommages
Depuis lors, Richmond fût intégré au Hall-of-fame. Il se retrouve, aujourd’hui encore, à la 47ème position des scoreurs les plus prolifiques de tous les temps. Si son nom n’est que trop rarement mentionné aujourd’hui, il sut gagner l’estime de ses pairs de l’époque :
“Mitch Richmond est le basketteur de la pire espèce : très collectif, adroit, costaud. Si on le prend à deux, il va trouver son coéquipier démarqué. Si on le prend en individuel, il va dégainer son shoot ou aller au cercle. Avec lui, on n’a que le choix du poison”. Doc Rivers.
Pourtant, il n’était pas le plus spectaculaire des joueurs. Mais au diable le spectacle, l’efficacité prime. Et en cela, le bonhomme s’est affirmé comme un esthète, ce que confirment ses 38,8 % en carrière à trois-points et ses 85 % aux lancers.
Sa carrière n’était cependant pas exempte de déceptions. Collectives, d’abord, puisqu’il ne possède que 23 matchs de playoffs au compteur. Individuelles, ensuite, lui qui a tellement mal vécu son départ forcé de Golden State. Et pourtant, son palmarès démontre que dans les deux cas, il sut rebondir comme la superstar qu’il était.
Lorsqu’on demande à Reggie Miller quel fût son adversaire le plus compliqué à défendre, il répond :
“Bien sûr, s’il fallait en citer qu’un, ce serait Michael Jordan. Le deuxième est Mitch “The Rock” Richmond, qui était inarrêtable”.
Il n’était donc pas la figure la plus connue, mais ses adversaires principaux savaient qu’il était l’un des meilleurs. Richmond au Rushmore.
Les précédents épisodes et portraits du Magnéto :
- Cinq majeur #1 : Penny Hardaway (1994/95), Manu Ginobili (2007/08), Terry Cummings (1988/89), Jerry Lucas (1964/65), Nate Thurmond (1974/75),
- Cinq majeur #2 : Jason Kidd (1998/99), Tracy McGrady (2004/05), Rick Barry (1966/67), Elvin Hayes (1979/80), Neil Johnston(1952/53),
- Cinq majeur #3 : Isiah Thomas (1989/90), David Thompson (1977/78), Paul Arizin (1951/52), Tom Gugliotta (1996/97), Yao Ming (2008/09),
- Cinq majeur #4 : Baron Davis (2006/07), Bill Sharman (1958/59), Chet Walker (1963/64), Gus Johnson (1970/71), Jack Sikma (1982/83),
- Cinq majeur #5 : Tiny Archibald (1972/73), Dick Van Arsdale (1968/69), Bernard King (1983/84), Jermaine O’Neal (2003/04), Larry Foust (1954/55),
- Cinq majeur #6 : Fat Lever (1986/87), Richie Guerin (1961/62), Grant Hill (1999/00), Dan Issel (1971/72), Ben Wallace (2002/03),
- Cinq majeur #7 : Lenny Wilkens (1965/66) (Lenny Wilkens, bonus : le coach), Calvin Murphy (1975/76), Peja Stojakovic (2001/02), Shawn Kemp (1991/92), Arvydas Sabonis (1995/96), (Arvydas Sabonis, bonus n°1 : la carrière européenne), (Arvydas Sabonis, bonus n°2 : la carrière internationale).
- Cinq majeur #8 : Kevin Porter (1978/79), Tom Gola (1959/60), Xavier McDaniel (1987/88), Bob Pettit (1955/56), Vin Baker (1997/98),
- Cinq majeur #9 : Stephon Marbury (2000/01), Michael Cooper (1984/1985), Lou Hudson (1973/1974), Tom Heinsohn (1962/63), Maurice Stokes (1957/58),
- Cinq majeur #10 : Slater Martin (1953/54), George Gervin (1980/81), Chuck Person (1990/91), Ralph Sampson (1985/1986), Bill Walton (1976/77),
- Cinq majeur #11 : Micheal Ray Richardson (1981/82), Drazen Petrovic (1992/93), George Yardley (1956/57), Antawn Jamison (2009/10), Dolph Schayes (1960/61),
- Cinq majeur #12 : Walt Frazier (1969/70),