Depuis 1946 et la création de la National Basketball Association, quelque cinq mille joueurs ont foulé les parquets de la Grande Ligue. Certains d’entre eux ont laissé une empreinte indélébile qui ne sera jamais oubliée. D’autres sont restés bien plus anonymes. Entre les deux ? Des centaines de joueurs, qui ont tour à tour affiché un niveau de jeu exceptionnel, mais dont on oublie bien souvent la carrière.
Dès lors, @BenjaminForant et @Schoepfer68 ont décidé de dresser – littéralement – le portrait de certains de ces acteurs méconnus ou sous-estimés. Au total, ce sont 60 articles qui vous seront proposés : un par année, entre les saisons 1950 – 1951 et 2009 – 2010. Pour chaque saison, un joueur a été sélectionné comme étendard, parfois en raison d’une saison particulièrement réussie, d’une rencontre extraordinaire ou encore d’une action historique …
Chaque portrait s’inscrira dans une volonté, celle de traverser l’Histoire de la NBA de manière cohérente. Ainsi, ces portraits (hebdomadaires) seront publiés dans un ordre précis : un meneur, un arrière, un ailier, un ailier-fort, un pivot. Au bout de cinq semaines, c’est donc un cinq majeur qui sera constitué. Les plus matheux d’entre vous l’aurons compris : au final, ce seront douze équipes, toutes composées de joueurs ayant évolué au cours de décennies distinctes, qui auront été composées.
A vous de déterminer lequel de ces cinq majeurs sera le plus fort, le plus complémentaire, le plus dynastique.
Vous trouverez en fin d’article les liens vous permettant de (re)consulter les articles précédents.
La jaquette
Pour chaque article, @t7gfx vous proposera ses créations. Vous y retrouverez une illustration du joueur présenté (en tête d’article) ainsi une présentation de chaque cinq majeur projeté (chacun avec une identité visuelle propre).
Le synopsis
Lors du dernier épisode de notre série, @Schoepfer68 a traité de la carrière de Tiny Archibald. Au sein de ce retour sur le parcours professionnel de l’ex-meneur des Kings, un nom de famille a été évoqué à plusieurs reprises. En effet, au début des seventies, le lieutenant de l’équipe de Cincinnati était alors nul autre que Tom Van Arsdale.
Aujourd’hui, nous allons vous conter la carrière d’un Van Arsdale. Mais, comme le titre de l’article le laisse deviner, il ne s’agit pas de Tom.
Richard Albert Van Arsdale est le frère jumeau de Tom. Né le 22 février 1943 à Indianapolis, celui que l’on surnommera Dick évoluera toute sa carrière au poste d’arrière. Voguant entre l’Arizona et Gotham City, il parcourra plus de 10 saisons sur les parquets de la Grande Ligue. Polyvalent, il a affiché, lors de ses plus belles années, de très belles qualités de scoreur. Nous ne pouvons toutefois pas le réduire à un simple arrière shooter. Rebondeur correct et passeur honnête, il était surtout un défenseur féroce, qui savait sortir les crocs – et les bras – lorsqu’il s’agissait d’interdire l’accès à son propre panier. Il avait donc plus d’une corde à son arc, même si sa principale flèche restait, tout de même, son exceptionnelle faculté à mettre la balle dans le cercle.
Au cours de cette série, nous tentons de braquer les projecteurs sur des joueurs qui, justement, au cours de leur carrière respective, sont souvent restés loin de toute visibilité médiatique. Des joueurs qui, bien souvent, sont méconnus alors qu’ils furent dominants. C’est le cas de Dick Van Arsdale, dont la saison 1968 – 1969, si elle n’atteint pas les sommets statistiques que nous avons visités lors de certains épisodes précédents, reste comme l’exercice d’un lieutenant solide. Entre réussites et échecs, performances et déceptions, sa carrière se bâtie en parallèle à celle de son frère jumeau. Revenons donc 50 ans en arrière, pour narrer le parcours professionnel du “Hollandais Volant”.
Action !
L’Histoire commence dans l’Indiana. C’est dans cet État rural que Dick Van Arsdale vit le jour et grandit. Il ne le quittera d’ailleurs pas avant de se présenter à la draft 1965. Mais n’allons pas si vite. Avant de quitter son Indiana natal pour rejoindre New-York, il fût élève, successivement, de l’High school Emmerich Manual et de la faculté d’Indiana, au sein de laquelle il réalisa un cursus complet.
Il n’y sera pas franchement dépaysé ; en plus de rester proche du domicile familial, “DVA” partage les bancs de la faculté avec son frère jumeau. Leurs statistiques respectives, au cours des trois premières saisons chez les Hoosiers, sont d’ailleurs absolument frappantes ; c’est comme si, elles aussi, étaient absolument jumelles :
- Tom Van Arsdale : 1 252 points, 723 rebonds à 44,8 % de moyenne au tir,
- Dick Van Arsdale : 1 240 points, 719 rebonds à 44,2 % de moyenne au tir.
Après une dernière saison universitaire conclut avec 19 points et 5 passes décisives de moyenne, les frangins s’envolent remporter la médaille d’or des Mondiaux universitaires. Dick, lui, sera élu dans la All-American Team. Son cursus achevé, il décide de se présenter à la 19è draft de l’Histoire de la Ligue, qui se déroula le 6 mai 1965. Juste avant celle-ci, il fût invité à dîner par Harry Gallatin, légende absolue des Knicks de New-York, et désormais coach de la franchise. Il s’avère que les deux hommes partagent des racines communes. Gallatin souhaitait se faire une plus grande opinion de celui qui sera, finalement, son futur joueur. Puisqu’en effet, avec le choix numéro 10, les Knicks sélectionnèrent Dick Van Arsdale.
Pour l’anecdote, même la draft n’est pas réellement parvenue à séparer les deux jumeaux : Tom, lui, fût ainsi sélectionné avec le choix numéro 11, pour poser ses valises à Détroit. Cette cuvée est d’ailleurs loin d’être mauvaise, puisque l’on y retrouve quelques joueurs d’exception, comme Gail Goodrich, Billy Cunningham ou Rick Barry.
Au coup d’envoi de la saison 1965 – 1966, le roster des Knicks est remplit de joueurs talentueux : Willis Reed entre dans sa saison sophomore, tandis que Dick Barnett et Walt Bellamy viennent d’arriver en ville. Mais si l’équipe semble prometteuse, les résultats, eux, seront décevants.
La première rencontre professionnelle de DVA se déroula le 16 octobre 1965. Comme si le destin de la fratrie était plus fort que le hasard, New York accueillit les Detroit Pistons. La rencontre fût donc le théâtre du premier match des deux frangins, confrontés l’un à l’autre, comme 20 ans auparavant, dans le jardin familial. Le rookie New-Yorkais ne disputa que 14 minutes, à l’issu desquelles il scora 4 points, attrapa 4 rebonds et distribua 2 passes décisives. Il faut dire que sur son poste, l’autre Dick du roster (Barnett) réalisait alors un match de gala, avec 27 points, 5 passes décisives et 4 rebonds.
Comme énormément de débutants, cette première saison sera faite de hauts et de bas. Néanmoins, très rapidement, le Hollandais Volant va trouver sa vitesse de croisière. Le 3 novembre 1965, il dépasse pour la première fois les 20 points inscrit lors d’une défaite face à Baltimore. Très rapidement, il prendra l’habitude de marquer sa quinzaine de points par rencontre.
Ainsi, entre le 22 décembre 1965 et le 21 janvier 1966, il ne descendra jamais sous les 10 points, affichant même plus de 16 points de moyenne sur la période. Plutôt prometteur, pour un second tour de draft !
Collectivement, la dernière rencontre de la saison régulière sonne comme une libération : elle met non seulement fin à une série de 13 défaites en 15 matchs, mais également un point final à une saison chaotiques (30 victoires, 50 défaites). Il faut dire qu’en cette époque, les Knicks ont affronté les Celtics de BIll Russell à 6 reprises, pour autant de défaites. Pour Van Arsdale, la toute dernière image de saison rookie sera toutefois positive, puisqu’il profitera du voyage à Saint-Louis pour battre son record de points en carrière : 24, auxquels ajouta 7 rebonds et 5 passes décisives.
Une belle performance qui vient clôturer un premier exercice satisfaisant pour le natif de l’Indiana, qui présente une ligne statistique complète, avec 12,3 points, 4,8 rebonds et 2,3 passes décisives. Pour une fois, les jumeaux semblent être départagés, bien que de peu : Tom, lui, clôt son exercice avec 10,5 points, 3,9 rebonds et 2,6 passes décisives, avec un bilan collectif encore plus mauvais que celui des Knicks (22 – 58, dans ce qui ressemble vaguement à notre saison 2019 – 2020).
Au final, New-York ratera les playoffs pour la 9è fois en 10 saisons. Gallatin, lui, fût remercié après une vingtaine de rencontres, remplacé par un énième Dick, McGuire cette fois-ci, ancien coach des … Détroit Pistons.
Et malgré des résultats collectifs qui peuvent être qualifiés, au mieux, de décevants (bien qu’on puisse y voir une sorte de constance dans la médiocrité), le roster ne bougea pas d’un poil. Van Arsdale reprit sa place sur le banc des remplaçants, dans le rôle de doublure de Dick Barnett. Mais la doublure commence à prendre de l’ampleur. Avec un temps de jeu moyen qui dépasse désormais allègrement la trentaine de minutes, l’arrière occupe le rôle du parfait petit 6è homme. Sa régularité au scoring est intacte, et se double d’une nouvelle appétence prononcée pour la cueillette sous les cercles. Il réalise ainsi rapidement plusieurs doubles-doubles, et son amélioration statistique s’accompagne – enfin – de quelques victoires.
Au 25 novembre 1966, après une défaite à domicile contre les Royals d’Oscar Robertson, Van Arsdale affiche 15,3 points et 8,4 rebonds de moyenne par match. Il vient d’ailleurs tout juste de battre son career hight au rebond, en en prenant 15 contre Cincinnati (22 points, 15 rebonds, défaite -6).
C’est, peu ou prou, la ligne statistique qu’il présentera à la fin du mois de mars 1967, au terme duquel les Knicks compostèrent leur ticket pour disputer les playoffs, malgré un bilan toujours mitigé (36 – 45). Malheureusement, le premier tour les voit affronter les Celtics de Bill Russell, qui étaient alors octuples champion NBA en titre ! La hiérarchie ne sera pas bouleversée, et New-York s’inclinera en quatre rencontres (3 – 1). Boston sera toutefois vaincu en finale de conférence, par les Sixers de Wilt Chamberlain.
Ces mêmes Sixers se dresseront devant les Knicks la saison suivante. L’exercice régulier fût terminé avec un bilan positif, pour la première fois depuis 1959. Alors âgé de 24 ans, Van Arsdale réalisera ce qui sera sa pire saison en carrière, si l’on excepte celle de son départ à la retraite. L’ensemble de ses statistique est en baisse, comme si le joueur venait de se prendre en pleine face le mur que l’on réserve généralement aux rookies. Il se murmure d’ailleurs à New-York que l’arrière a, déjà, atteint son potentiel maximum.
Dès lors, 3 ans jours pour jours après sa draft, il sera … redrafté. En effet, la saison 1968 – 1969 verra deux nouvelles franchises intégrer la NBA : les Suns de Phoenix et les Bucks de Milwaukee. Le 6 mai 1968, une draft d’expansion s’est donc déroulée, les deux nouvelles franchises piochant, tour à tour, au sein de l’effectif des 10 autres équipes. Ces dernières disposaient alors de la faculté de “protéger” leurs meilleurs éléments. Dick Van Arsdale, lui, ne sera pas protégé par les Knicks, et sera donc choisit par les Suns, pour constituer le premier roster de la franchise de l’Arizona. Il y retrouve un autre membre de sa première cuvée de draft, le meneur Gail Goodrich.
C’est donc avec l’opportunité de devenir un important maillon d’une toute nouvelle franchise que DVA entama la 4è saison de sa carrière. Plus exactement, son départ pour Phoenix constitua le départ de sa deuxième carrière.
L’oscar de la saison 1968 – 1969
C’est le 18 octobre 1968 que se déroula la première rencontre de l’Histoire des Suns. Disputée à domicile, elle se solda par une belle victoire contre les Supersonics. Immédiatement, le point fort de la franchise est identifié : son backcourt. Composée de Goodrich et de Van Arsdale, la ligne arrière de Phoenix possède quelques arguments pour faire braire l’ensemble des adversaires. Ce fût d’ailleurs le cas face à Seattle :
- Gail Goodrich : 27 points, 9 rebonds, 10 passes décisives (9 / 27 au tir),
- Dick Van Arsdale : 21 points, 7 rebonds, 2 passes décisives (9 / 20 au tir).
Alors que Milwaukee débutait son Histoire par une défaite contre les Bulls, Phoenix remportait ce qui serait l’une de ses très rares rencontres de la saison. Nous allons, en effet, parler de l’une des pires saisons collectives de tous les temps. Si la palme revient à la saison 2011 – 2012 de Charlotte (7 victoires, 59 défaites, dans un exercice raccourcit par un lock-out), les premiers balbutiements des Suns dans la Grande Ligue seront loin de ressembler à cette soirée du 18 octobre 1968.
Puisqu’en effet, et c’est tout le risque d’une draft d’expansion, le roster de Phoenix ne possède aucune véritable star. Forcément, les meilleurs joueurs des autres franchises furent protégés, pour éviter de donner immédiatement des armes aiguisées aux nouveaux venus. Ainsi, au cours de cette première saison, Phoenix partait à la guerre avec des cure-dents et des ciseaux au bout rond, face aux terribles armadas de la conférence Ouest. A titre de comparaison, les Lakers, avec Elgin Baylor, Jerry West et Wilt Chamberlain, partaient ainsi à la guerre avec des chars d’assaut et des bazookas.
Le rapport de force était donc logiquement biaisé, et le résultat collectif de cette saison n’est en aucun cas surprenant. Et si les défaites s’enchaînent à un rythme vertigineux, tout n’est pas à jeter dans l’Arizona. Ainsi, doté de nouvelles responsabilités, celles de véritable lieutenant, Dick Van Arsdale s’impose comme l’un des meilleurs arrières de la NBA.
Si l’on devait absolument rechercher un semblant de constance dans la franchise, c’est du côté du niveau de jeu du Hollandais Volant qu’il fallait se tourner. Il forme, avec Goodrich, un duo (d)étonnant. Dans une NBA où le jeu est intégralement tourné vers les intérieurs (Chamberlain, Russell, Reed, DeBusschere, pour ne citer qu’eux), Phoenix est l’une des rares franchises à confier les clés du camion à son backcourt. Un choix peu heureux, si l’on se tient aux chiffres collectifs. Un choix habile, si l’on analyse l’explosion du niveau de jeu des deux compères.
Sur le premier mois de compétition, Van Arsdale est sur un petit nuage. Il est alors l’artisan majeur du début de saison étonnamment correct des siens (5 victoire et 5 défaites au 4 novembre 1968). Sur la période, il marque 24,2 points par rencontre (45,4 % au tir), auxquels sont ajoutés 8 rebonds et 5 passes décisives. Certes, nous n’avons ici qu’un très faible échantillon de rencontres. Notons quand même qu’une telle ligne statistique, sur l’ensemble d’une saison régulière, ne se retrouve qu’à 24 reprises dans l’Histoire de la Ligue, pour 8 joueurs distincts, et notamment : Chamberlain, Jordan, James ou Robertson.
La suite de la saison suivra deux lignes directrices. La première a d’ores et déjà été évoquée, puisqu’il s’agit des défaites concédées par les Suns. Entre le 10 novembre 1968, soir de la 10è rencontre (et de la 5è victoire), et le 30 décembre (38è rencontre), Phoenix ne gagnera qu’à 3 reprises. Ce n’est pourtant pas faute pour son arrière de scorer inlassablement, et de mener la vie dure à son vis-à-vis de l’autre côté du terrain. Le constat est simple à dresser : le roster manque cruellement de talent(s), et il faut un véritable concours de circonstances pour qu’une rencontre ne s’achève sur autre chose qu’une nouvelle correction.
Dans ce paysage collectif morose, DVA s’éclate avec ses nouvelles responsabilités :
- 15 nov. 1968 @ Seattle : 34 points, 13 rebonds, 6 passes décisives à 48 % au tir, dans une défaite (-4),
- 19 nov. 1968 vs Philadelphie : 29 points, 14 rebonds, 5 passes décisives à 48 % au tir, dans une défaite (-16),
- 25 déc. 1968 vs Los Angeles : 27 points, 11 rebonds, 9 passes décisives à 29,4 % au tir, dans une défaite (-20),
- 28 déc. 1968 vs San Diego : 21 points, 9 rebonds, 11 passes décisives à 28,6 % au tir, dans une défaite (-10).
Si la mire est parfois déréglée, il s’impose comme un joueur all-around, profitant de son statut pour distribuer le jeu et, forcément, augmenter sensiblement le nombre de ses passes décisives. Grâce à ses performances, il sera convié, pour la première fois de sa carrière, au All-star game 1969, disputé à Baltimore. D’ailleurs, malgré le bilan collectif calamiteux (9 – 34), les Suns se voient doublement représentés au match des étoiles, puisque DVA y est accompagné par Goodrich. Il est cocasse de remarquer que les franchises dominantes de l’époque, les Celtics et les Lakers, avaient exactement autant de représentants.
Signe de l’importance qu’il a dans son équipe, Van Arsdale devait pourtant être l’unique membre des Suns à disputer la rencontre. Il fallut un forfait de dernière minute (Jerry West) pour que Gail Goodrich y soit convié. Ainsi, pour la première fois de sa carrière professionnelle, le Hollandais Volant est le franchise player de son équipe.
Une équipe dont le train-train quotidien ne bougera pas d’un iota après le All-star break. Si son arrière phare passera à côté de deux ou trois rencontres, (6 points à 21 % au tir contre Atlanta (-5), 8 contre San Francisco à 40 % au tir (-24)), il ne lui faudra pas beaucoup de temps pour se remettre de son coup de mou passager. D’ailleurs, au lendemain de sa contre performance face aux Warriors, Phoenix enquillera 3 victoires consécutives (dont 2 contre Milwaukee, l’autre franchise rookie).
La saison donnera son ultime verdict le 23 mars 1969, avec une 66è défaite. Les vingt dernières rencontres furent le théâtre du meilleur de ce que pouvait offrir Van Arsdale sur un terrain de basket. Nous ne citerons qu’une seule rencontre, la plus belle de sa carrière jusqu’alors :
- 20 fév. 1969 vs Baltimore : 44 points, 11 rebonds, 6 passes décisives à 73,1 % au tir, dans une défaite (-3).
Les plus matheux d’entre-vous auront fait le calcul. Phoenix termina sa première saison de NBA avec 16 toutes petites victoires. Et pourtant, le salut de l’ensemble de l’Arizona est juste-là, au bout des doigts. En effet, Lew Alcindor, qui deviendra ensuite Kareem Abdul-Jabbar, allait faire son entrée en NBA en 1969. C’était une certitude qu’il allait être sélectionné avec le premier choix de la draft, tant le fossé qui le séparait du second meilleur joueur de la cuvée était large et profond.
Nous voici donc face à l’un des plus gros What If de l’Histoire de la Grande Ligue. A la fin des sixties, la loterie n’existe pas. Le premier choix de la draft est joué à pile ou face entre les pires franchises de chaque conférence. En l’espèce, Phoenix joue son destin face à Milwaukee. Jerry Colangelo, General Manager des Suns, imagine déjà les dégâts que pourrait causer le trio Goodrich – Van Arsdale – Alcindor. Nous ne parlons pas ici de la possibilité de se qualifier en playoffs. La venue du colosse de UCLA ouvrirait les portes des plus grandes ambitions ; celles de titre(s) NBA.
Dans sa cabine téléphonique, Colangelo annonce “face”. A l’issu d’un instant qui semblait en durer mille, la pièce tomba sur son côté pile. Lew Alcindor s’envola donc pour le Wisconsin et pour la franchise de Milwaukee, avec laquelle il remportera le titre NBA dès sa seconde saison. Les Suns, eux, devront attendre 2018 pour – enfin ! – obtenir leur premier first pick de leur Histoire. Ils feront l’impasse sur Luka Doncic pour sélectionner Deandre Ayton.
Mais cessons de digresser, pour en revenir à notre sujet du jour. Dick Van Arsdale est désormais membre d’une toute autre sphère : celle des joueurs dominants, qui, bien entourés, pourraient mener une franchise loin. Il s’affirme également comme un joueur véritablement complet, chose que traduit fidèlement sa ligne statistique : 21 points, 6,9 rebonds et 4,8 passes décisives, en 42,4 minutes de jeu par soir.
L’arrière n’a alors que 25 ans. Et s’il n’aura jamais l’occasion de jouer avec Lew Alcindor, il restera fidèle aux Suns jusqu’au crépuscule de sa carrière. Avant d’évoquer cette ultime saison, penchons-nous sur la suite de la carrière de celui qui n’avait d’Hollandais que la dégaine.
Le générique de fin
Avec la saison 1969 – 1970, le jeu de DVA opéra une double mue. Devenu soudainement moins bondissant, il ne prendra désormais jamais plus de 4 rebonds par saison. Par contre, cette baisse de production sous les cercles est compensée par une toute nouvelle adresse. Comme si, à l’été 1969, la taille des arceaux avait été soudainement élargie. Sa nouvelle précision au tir est particulièrement remarquable dans l’exercice des lancers-francs. Sur ses 4 premières saisons, il affichait 70,7 % de réussite en moyenne. Sur les 8 suivantes, ladite moyenne atteindra 83 %, en allant même jusqu’à titiller la barre des 88 % de réussite lors de l’ultime exercice de sa carrière.
De 1969 à 1971, Van Arsdale affichera le même niveau de jeu : celui du All-star qu’il fût. Alors que les blessures le laissent absolument tranquille (pour une fois, dans un épisode du Magnéto !), il s’épanouit dans son rôle de seconde option offensive de sa franchise, derrière Connie Hawkins. Il s’avère que Gail Goodrich a déjà quitté le navire, pour compléter l’armada des Lakers.
Certes, les résultats continuent d’être en dent de scie. Notons tout de même l’incursion de Phoenix en playoffs en 1970, pour ce qui est sa première campagne de sa jeune Histoire, qui se soldera par une défaite, en 7 rencontres, face à l’ogre de Los Angeles. Il faudra attendre l’arrivée d’autres joueurs dominants pour voir les Suns passer un tour de playoffs. Chose qui, en elle-même, n’a rien de surprenant : Michael Jordan ne parvenait pas non plus à remporter des titres tout seul.
A l’arrivée du printemps 1971, DVA reste donc sur 3 exercices consécutifs avec plus de 21 points, 3,5 rebonds et 4 passes décisives. La nouvelle saison fera figure de tournant dans la politique sportive de la franchise, qui tente désormais d’attirer de nouveaux gros poissons dans ses filets. C’est ainsi qu’en l’échange de Paul Silas et de quelques billets, Charlie Scott arrive dans l’Arizona. Le nom du bonhomme ne vous dit peut être rien. Il faut dire que depuis le début de sa carrière, en 1970, Scott écumait les parquets de la Ligue voisine, la ABA. Avec, de toute évidence, une capacité fabuleuse de scoreur : 30,6 points de moyenne par rencontre sur ses 157 rencontres de ABA.
L’arrivée du scoreur boulimique, repositionné au poste de meneur, entraînera une légère baisse dans les statistiques de Van Arsdale. Logique, puisque désormais, il est considéré comme la troisième option de luxe de la franchise. L’association des trois joueurs va d’ailleurs rapidement porter ses fruits, avec une saison 1971 – 1972 conclut avec le meilleur bilan de l’Histoire de la franchise : 49 – 33. Un bilan qui positionne Phoenix en 5è position de sa conférence, soit … aux portes des playoffs. En effet, en cette époque, les matchs printaniers débutaient immédiatement en demi-finale de conférence, ce qui ne laissait de la place que pour 4 équipes.
Les saisons suivantes seront bien plus décevantes, et les Suns n’accrocheront jamais les playoffs jusqu’en 1976. Le niveau de Dick Van Arsdale diminue de manière régulière, sans pour autant que cette baisse ne soit alarmante. Cette légère régression offensive s’accompagne toutefois d’un step-up défensif, qui le poussera jusque dans la All-defensive Team en 1974. D’ailleurs, le mot “régression” est peut-être fort, puisque chaque saison, le Hollandais prouve qu’il peut toujours voler, en réalisant, par-ci par-là, quelques rencontres de prestiges :
- 15 déc. 1971 vs Cincinnati : 31 points, 9 rebonds, 8 passes décisives, dans une victoire (+16),
- 5 nov. 1972 @ Cleveland : 28 points, 8 rebonds, 8 passes décisives à 75 % au tir, dans une victoire (+1),
- 5 janv. 1973 @ Chicago : 36 points, 3 rebonds, à 80 % au tir, dans une victoire (+11),
- 20 oct. 1973 vs Atlanta : 37 points, 4 rebonds, 1 passe décisive, 2 interceptions à 84,2 % au tir, dans une victoire (+10),
- 5 févr. 1975 @ Seattle : 46 points (record en carrière), 5 rebonds, 3 passes décisives, 2 interceptions, à 62,5 % au tir, dans une victoire (+5).
Réalisons un rapide focus sur la saison 1975 – 1976. Charlie Scott est envoyé à Boston, et Paul Westphal le remplace au poste de meneur. Alvan Adams, futur rookie de l’année, est drafté par les Suns. La révolution est en marche. Malgré un effectif jeune, Phoenix va se qualifier pour la seconde campagne de playoffs de son Histoire (42 victoires, 40 défaites). Au cours de cet exercice, DVA va se blesser pour la première et unique fois de sa carrière. Il ratera ainsi 24 rencontres, et, à son retour, son niveau de jeu sera irrémédiablement impacté. Il ne pèsera donc pas forcément, du point de vue offensif, sur les rencontres de post-season.
Alors qu’il avait, depuis le début de sa carrière, disputé 15 rencontre de playoffs (4 entre 67, autant en 68 et 7 en 1970), il en disputera … 19 en 1976. En effet, Phoenix ne se contentera pas de battre (4 – 2) les Sonics au premier tour. Ils viendront également à bout des champions en titre, les Warriors, en finale de conférence Ouest (4 – 3), pour retrouver les Celtics en finale NBA.
Ces finales seront le théâtre du “match du siècle” : le game 5, remporté par Boston (128 – 126) après 3 prolongations, pour mener 3 – 2 dans la série. DVA a alors 33 ans, et est redevenu le 6è homme qu’il était au début de sa carrière, laissant les plus jeunes se frotter à John Havlicek, Dave Cowens, mais aussi aux deux anciens de la maison violette, Silas et Scott. Au final, c’est bel et bien Boston qui remportera le titre (4 – 2). Vous retrouverez ci-joint : le game 5 complet, pour celles et ceux qui souhaitent mettre le confinement à profit pour (re)vivre des matchs de légende.
Voici également un petit reportage sur la rencontre :
Van Arsdale disputera une 12è et dernière saison. Comme un ultime symbole, il sera rejoint à Phoenix par son frère jumeau. Il prendra donc sa retraite en 1977, et aura affiché 15 points, 3 rebonds et 3 passes durant 9 saisons consécutives. Son prime, lui, se sera déroulé à son arrivée à Phoenix, et notamment lors de cette saison 1968 – 1969. Chez les Suns, il aura disputé deux campagnes de playoffs, la première comme seconde option offensive, la seconde comme 6è homme. Il aura donc contribué, à chaque fois à sa manière, aux plus belles heures de l’Histoire de la franchise, qui ne compte que 2 apparitions en finale NBA (1976 et 1993).
Tom, prendra sa retraite en même temps. Le destin a donc voulu que les carrières des deux jumeaux se soient commencées et terminées le même jour, sur le même parquet. Ensemble.
Pour la franchise des Phoenix Suns, le départ à la retraite de Dick Van Arsdale est l’occasion de célébrer celui qui est alors, de très loin, le meilleur joueur de son l’Histoire. Ainsi, au cours de sa carrière, le Hollandais Volant a eu 58 coéquipiers différents. Il quitte la tunique violette des Suns en tant que :
- Joueur le plus capé : 685 rencontres disputées, soit 277 matchs de plus que son plus proche poursuivant, Neal Walk,
- Meilleur scoreur : 12 060 points inscrits, soit 5 692 de plus que son plus proche poursuivant, Connie Hawkins,
- 3è meilleur rebondeur : 2 452 rebonds avalés, soit 434 de moins que le 1e, Paul Silas,
- Meilleur passeur décisif : 2 396 passes distribuées, soit 1 054 de plus que son plus proche poursuivant, Connie Hawkins,
- Joueur avec la plus longue longévité : 9 saisons, soit 4 de plus que tout autre joueur.
Bien entendu, de l’eau a coulé depuis sous les ponts, et il ne possède désormais plus aucun de ses records de franchise. Il reste, par contre, superbement bien placé dans de nombreux d’entre-eux. Il est ainsi 4è dans le classement du nombre de rencontres disputées avec Phoenix, 3è dans celui des minutes passées sur le terrain. Il est d’ailleurs toujours l’un des meilleurs scoreurs de l’Histoire de la franchise (5è).
C’est donc la toute première légende vivante de Phoenix qui tire sa révérence. Celui qui, malgré des résultats cahin caha, sera toujours resté fidèle à sa seconde équipe. Aujourd’hui, il fait encore partie des 10 meilleurs guards a être passé du côté de l’Arizona (en vrac et dans le désordre : Steve Nash, Jason Kidd, Kevin Johnson, Walter Davis, Dan Majerle, Charlie Scott, Paul Westphal, Dick Van Arsdale, Jeff Hornacek, Devin Booker).
Sa fidélité sera d’ailleurs récompensée, puisque son légendaire numéro 5 fût le premier à être accroché au plafond de celle qui s’appelle désormais la Talking Stick Resort Arena. Un honneur qu’il ne partage qu’avec 5 autres joueurs. Signe qu’effectivement, quand bien même la période ne fût pas marquée par des résultats collectifs mémorables (une finale NBA, tout de même), DVA reste, dans le cœur des aficionados des Suns, une gloire à part.
Au-delà d’être le meilleur joueur de la courte Histoire de sa franchise, il quitte la NBA avec quelques coups d’éclats :
- All-star, à 3 reprises,
- All-Defensive Team, à 1 reprise,
- Maillot n°5 retiré à Phoenix.
Au final, il est une chose qui permet de symboliser ce que fût Dick Van Arsdale pour les Phoenix Suns au cours des ces 9 saisons : son second surnom. Puisqu’en effet, s’il était couramment surnommé “Le Hollandais Volant”, en raison de sa peau blanche comme le lait et de sa tignasse rousse, il a également été appelé sous le nom suivant : “The Original Sun”. Comme pour évoquer le fait que le début des Phoenix Suns, c’était lui.
Crédits et hommages
Et pourtant …
“Je n’avais aucune envie de rejoindre Phoenix”. Dick Van Arsdale
Si l’idée de quitter New-York ne le réjouissait manifestement pas, il n’en fit pas un caprice pour autant. Il faut dire que Jerry Colangelo, le tout jeune GM des Suns, a immédiatement su l’intégrer au projet long-termiste de la franchise. Un projet pour lequel DVA devait être, et a été, le visage marquant, comme l’indique Bill Bradley, son ancien coéquipier :
“C’était un très bel homme, 1m96 et blond, avec une personnalité solide et des jambes durables”.
Au final, c’est la franchise, elle-même, qui en parle le mieux. Vous retrouverez donc ci-dessous une courte vidéo portant sur les débuts des Suns dans la Grande Ligue. Des débuts qui ne peuvent pas être dissocier de Van Arsdale. Dorénavant, s’il vous prenait l’idée farfelue de passer en revue l’ensemble des légendes passées par Phoenix, prenez garde de bien citer le nom de Van Arsdale aux côtés des Nash, Barkley et autre Johnson. Après tout, c’était lui, le pionnier.
Les précédents épisodes et portraits du Magnéto :
- Cinq majeur #1 : Penny Hardaway (1994/95), Manu Ginobili (2007/08), Terry Cummings (1988/89), Jerry Lucas (1964/65), Nate Thurmond (1974/75),
- Cinq majeur #2 : Jason Kidd (1998/99), Tracy McGrady (2004/05), Rick Barry (1966/67), Elvin Hayes (1979/80), Neil Johnston (1952/53),
- Cinq majeur #3 : Isiah Thomas (1989/90), David Thompson (1977/78), Paul Arizin (1951/52), Tom Gugliotta (1996/97), Yao Ming (2008/09),
- Cinq majeur #4 : Baron Davis (2006/07), Bill Sharman (1958/59), Chet Walker (1963/64), Gus Johnson (1970/71), Jack Sikma (1982/83),
- Cinq majeur #5 : Tiny Archibald (1972/73),