Il n’y a pas si longtemps que ça, la planète NBA semblait vouer un culte aux 3&D. Les “3&D” était la clé qui ouvrait la porte des finales, le complément idéal pour entourer les superstars de la grande ligue américaine. Fast forward 2023, à l’aube de Playoffs 2023 indécises, où en sont nos amis les 3&D ?
Si vous n’êtes pas familier avec la définition d’un 3&D, en voici une : “Un joueur capable d’étirer la défense grâce à son tir à trois points et de défendre plusieurs postes à l’autre bout du terrain”. Plutôt explicite, “3” pour les trois points et “D” pour la défense.
Pour illustrer ce qu’on attend d’un 3&D, prenons Danny Green. L’un des meilleurs 3&D des dernières années. Et aussi, parce que c’est l’occasion de regarder jouer les Spurs du beautiful game.
Premièrement, arrêtons nous sur le “3” de 3&D
Danny Green (avant la tornade Stephen Curry) avait établi le record de trois points réussis lors d’une Finale NBA en 2013. Grâce à sa capacité à rentrer des trois points sur un gros volume (relatif à son époque) Danny Green pouvait étirer les défenses et créer du “spacing”. Lors de ces Finales 2013, où il prend le record à Ray Allen, sous ses yeux, 27 de ses 32 paniers marqués étaient à trois points.
En regardant les tirs de Danny Green lors des Finales 2013, on remarque seulement deux trois points arrivent avec qu’il ait posé un dribble. Les autres sont essentiellement des “catch & shoot”, parfois en attendant sagement dans le corner, d’autres fois grâce à des mouvements loin du ballon.
C’est un comportement classique chez les “3&D”. Le 3&D bouge mais ne dribble pas. Le 3&D court loin du ballon, navigue à travers les écrans, stationne dans le corner ou en tête de raquette, mais il ne dribble pas. Le ballon fait l’effet d’une médecine ball une fois dans les mains du 3&D, et les seules options qui s’offrent à lui sont le shoot, ou la passe.
Ensuite, vient le D de 3&D
D pour défense donc, et non pas pour Danny. Ici, pour comprendre l’impact d’un joueur, d’autant plus un extérieur, il faut regarder les matchs car les boxscores ne suffisent plus. Danny Green propose une très bonne défense sur l’homme, mais aussi loin du ballon. Plutôt rapide pour sa taille (6’6 soit 198cm) il avait aussi une présence correcte en protection du panier pour un extérieur (merci l’envergure de 208cm et le QI basket). Sur la vidéo ci-dessous, on peut admirer sa défense sur James Harden en 2017. Mains agiles, pieds rapides, ça glisse autour des écrans, les hanches bien positionnées, c’est de la bonne D.
Quand on parle de la défense d’un 3&D, on parle souvent de polyvalence sur les postes extérieurs et de la possibilité de “dépanner” sur les postes intérieurs. Comme l’écrit Julien Broillard sur envergure.co, un 3&D doit pouvoir “switcher du poste 1 à 4 en défense, voir sur des 5, le physique doit suivre : la taille, l’envergure, la vitesse latérale, l’activité des main et des bras sont déjà discriminatoires”. Dans le même article, Julien cite aussi Alan Guillou “Tout le monde en veut, tout le monde n’en a pas et tout le monde en cherche à la draft” il parlait des 3&D, nous étions en 2020.
Nous sommes maintenant en 2023, qu’en est-il du rôle de 3&D en NBA ?
Il est venu le moment de regarder ce que la data nous dit. Avec la saison qui arrive à sa fin, nous pouvons regarder les joueurs qui ont montré le comportement attendu d’un 3&D.
Pour cela, regardons à ces deux métriques : Le nombre de trois points pris par match (3PA PER GAME dans le graphique ci-dessous) et un score défensif par match (DEF CONNECT SCORE PER GAME). Le score défensif est le résultats du calcul suivant : (Deflection*0,5)+Loose Ball Recovered+Charges Drawn+(2PT Shots Contested*0,5)+(3PT Shots Contested*0,66).
Dans ce graphique, nous regardons seulement aux joueurs qui :
- ont un % de réussite à trois points au-dessus de 36%. On prend en compte le % à trois points ici pour justifier la capacité à étirer la défense. Néanmoins, notons que l’habit ne fait pas le moine et certains joueurs arrivent à étirer les défenses malgré des % à trois points plus que douteux, hello Marcus Smart.
- tentent plus de 3 trois points par match (moyenne à 2,7). Même logique ici, un joueur qui tente souvent sa chance à trois points va étirer la défense. Un joueur trop timide au moment d’appuyer sur la détente risque au contraire de desservir le spacing de son équipe, hello Ben Simmons.
- ont un score défensif au-dessus de 5 par match (moyenne à 3,1). Dans la logique d’être un vrai 3&D, la défense est primordiale. Bien entendu, aucune stats ne peut refléter le niveau défensif d’un joueur. Mais le graphique laisse à penser que la métrique proposée reflète la présence défensive des joueurs, hello Brook Lopez.
Les 3&D ont-ils grandi ?
Et par grandir ici on ne parle pas de maturité ou de grandeur d’esprit, mais bel et bien de taille. Dans ce graphique, ce qui saute aux yeux c’est la majorité d’intérieur. Dans l’imaginaire collectif, un 3&D est un ailier ou arrière. Ailier ou arrière quelquefois amené à jouer à l’intérieur, hello Robert Covington. Pourtant, une certaine logique défensive semble être respectée quand on voit que la majorité des joueurs présents dans ce graphique sont des intérieurs. Les “grands” de cette ligue ont toujours été les défenseurs les plus impactants.
Si les arrières qui gagnent les titres sont de défenseurs de l’année sont vu comme des anomalies. Si les systèmes défensifs sont articulés autour des intérieurs. Si le rôle de protecteur de cercle joué par les intérieurs restent le plus impactant en NBA, c’est donc tout à fait logique de retrouver une majorité d’intérieurs ici. Ce qui a changé la donne depuis 2020, c’est que les intérieurs tirent à trois points, et avec une belle réussite pour certains. En plus, à l’instar des 3&D comme on les a présenté, les intérieurs ne dribblent pas, ou peu. On peut alors se poser la question, les intérieurs dotés d’un tir à trois points sont-ils devenus les nouveaux 3&D ?
La limite posée par les intérieurs pour le rôle de 3&D vient de la défense. La défense attendue d’un 3&D est polyvalente. Comme évoqué précédemment, le 3&D propose une “switchabilité” en défense. En regardant les intérieurs présents sur le graphique, seul Al Horford semble prétendre pouvoir jouer ce rôle. Malheureusement, ses jambes de 36 ans laissent entrevoir des doutes malgré une 16ème raison encore remarquable.
Après avoir passé en revu les intérieurs du graphique, passons au extérieurs. Que de talent, les seuls non All-Stars sont Buddy Hield, Jaden McDaniels et O.G. Anunoby. Dans notre recherche de 3&D en 2023, nous allons donc regarder plus en détails ces trois joueurs. Nous mettons les All-stars (et Andrew Wiggins) de côté car, en nous basant encore une fois sur l’article d’envergure.co : “En NBA, le joueur (3&D) devra accepter un rôle parfois frustrant en attaque : positions de shoot très ciblées, peu de création, timing et patience en attaque” ce qui ne correspond pas à un rôle de All-star. Maintenant, regardons de plus près nos 3 candidats restant pour le rôle de 3&D.
Buddy Hield
Bon, clairement pas le candidat le plus sérieux des trois. Peut-être même l’intrus, mais, étudions le cas.
Premièrement, au sujet du trois points, Buddy possède la qualité de tir d’un 3&D d’élite, mais quel type de shooteur est notre ami Buddy ? Sur cette saison 2023, 88% de ses 3pts marqués étaient assistés, contre 75% lors de sa première saison à Sacramento. Buddy a réduit la part de des tirs où il est à la création, ce qui le rapproche du style offensif théorique d’un 3&D. On le rappelle mais ce qui est attendu offensivement d’un 3&D c’est de profiter de la création d’autrui et de générer du spacing. Buddy propose les caractéristiques offensives qui correspondent aux attentes qu’on a d’un 3&D. “What about his defense you might ask?”.
Regardons ça de plus près.
Son score de connecteur défensif au-dessus de 5, en 2023 il réalise son record en carrière avec 1.2 interception par match et les différents scouting pré-draft parlent un défenseur correct. La réalité c’est que Buddy Hield est un défenseur neutre (ni positif, ni négatif, ou plutôt un peu des deux). Il navigue plutôt mal entre les écrans, il manque parfois d’attention off-ball et oublie son joueur. Il est même mis dans des actions grâces aux écrans afin que le meilleur extérieur adversaire puisse l’attaquer en 1vs1. Je ne suis pas un expert du scouting, en réalité je ne sais pas vraiment scouter. Mais après seulement quelques visionnages de matchs d’Indiana cette saison, deux conclusions :
- Buddy Hield ne possède pas les skills défensifs et la polyvalence physique pour prétendre à un badge 3&D
- … mais la défense gruyère d’Indiana n’aide pas.
Peut-être que dans un autre environnement plus compétitif, Buddy Hield pourrait se rapprocher de ce rôle de 3&D. Mais, dans le marasme défensif qu’est Indiana, et avec ses limitations certaines, nous ne pouvons clairement pas l’estampiller du tampon “3&D”.
Jaden McDaniels
Attention, on ne parle pas ici de Jalen McDaniels. Jaden lui joue dans le Minnesota, au pays de Marshall Eriksen. Offensivement, Jaden McDaniels existe à trois points grâce à ses coéquipiers : 99% de ses trois points réussis sont assistés, contre 66% pour ses paniers à deux points. Le volume à trois points est inférieur comparé à ses concurrents pour le rôle de 3&D avec 3.4 tentatives par match (31 minutes sur le parquet en moyenne). Sur ces trois premières saisons, il n’est même pas considéré comme un “shooteur” par bball-index mais comme un finisseur athlétique. Sur ce volume certes léger, son pourcentage à trois points culmine à 39% cette année, ce qui en fait une réelle menace et lui permet de générer du spacing.
Ses pourcentages à trois points (et aux lancer-francs) en carrière laisse à penser que ce score flatteur est peut-être dû à la “chance” et il faudra attendre plus de saison dans la ligue pour confirmer que Jaden McDaniels est un tireur d’élite. Encore une fois, mes compétences du scouting son proche du néant mais sa mécanique de shoot a l’air lente. Néanmoins, le point de “release” est haut, ce qui lui donne l’avantage d’être difficile à contrer. Le profil théorique de Jaden McDaniels laisse à penser qu’il peut être à 3&D à condition que son tir à trois points continue à être viable sur le long terme, et qu’il augmente son volume. Mais, si Jaden McDaniels fait parler de lui jusqu’au plateau d’ESPN, c’est par sa défense.
Quand Jon Krawczynski demande à Jaden McDaniels ce qu’il a préféré entre inscrire un tirs crucial pour la victoire contre Denver ou sa performance défensive, Jaden choisit la défense. Sa défense fait de lui un candidat sérieux pour la all-defensive team de cette saison. Souvent envoyé à la tâche sur le meilleur extérieur de l’adversaire, il répond présent à la mission de gêner et limiter le go-to-guy. Ce match sur Kawhi Leonard a particulièrement impressionné. Un vrai sangsue, il sait naviguer entre les écrans, faire de bon close-outs, gêner la réception de la passe et offre seulement des tirs contestés.
Sa rapidité, son footwork et son QI défensif en font aussi une pierre angulaire de la défense des Timberwolves. Last but not least, Jaden McDaniels offre une impressionnante polyvalence défensive et peut switcher sur des arrières grâces à sa vitesse et son footwork, et rapidement sur des intérieurs grâce à sa tonicité et son envergure. Seule ombre au tableau, Jaden fait beaucoup de fautes (267 cette saison pour le moment, soit le deuxième total derrière Sabonis).
Avec 3.5 fautes par match, et six exclusions cette saison, dont une en 17 minutes, Jaden montre les limites de la jeunesse en défense. Ce n’est pas bloquant pour le reste de sa carrière NBA, mais ça sera un élément à suivre, surtout en Playoffs avec des rotations plus courtes. Le moteur défensif que propose Jaden McDaniels, la fierté qu’il en tire, ses capacités physiques et son intelligence de jeu en font de lui le parfait archétype défensif du 3&D.
Le profil offensif de Jaden McDaniels semble trop varié pour le réduire au rôle de 3&D. Seulement 37% de ses tirs sont à trois points, contre 54% lors de sa première saison. Il a tous les atouts défensifs pour ce rôle, mais son profil offensif laisse à penser qu’il aura un plus grand rôle à jouer dans la grande ligue qu’un simple rôle de 3&D.
Ogugua “O.G.” Anunoby.
Dernier vestige du rôle de 3&D ? Maintenant deux saisons que nous attendons que OG Anunoby devienne le All-Star aux côtés de Pascal Siakam et Fred VanVleet. La réalité c’est qu’après deux années à faire parti des favoris pour le titre de MIP en début de saison , OG Anunoby stagne offensivement. Son USG% est toujours autour des 20% depuis 2021, son AST% a même baissé, et son True Shooting + se cantonne autour de la moyenne de la ligue. Comme lors de ses premières saisons, plus de 95% de ses trois points sont assistés. OG Anunoby n’est sûrement pas un All-star en devenir comme attendu, et va devoir se contenter d’un rôle en bout de chaîne.
Ce rôle convient au collectif, il a montré un potentiel à longue distance dès son arrivée en NBA. Cette saison, il convertit 39% de ses 5.5 tentatives à trois points. Il demanderait apparemment plus de responsabilités en attaque, mais Nick Nurse semble préférer mettre le ballon dans les mains de Pascal Siakam, Fred VanVleet ou Scottie Barnes. Même Gray Trent Jr a un plus haut %USG qu’OG Anunoby cette saison. Le train pour un plus gros rôle offensif semble être passé pour OG, mais qu’en est il de sa défense ?
Statistiquement parlant, OG means business en défense. Quatrième au D-LEBRON pour les “stationary Shooter”, très bien placé sur notre métrique défensive présentée en début d’article, meilleur intercepteur de la NBA… Anunoby est statistiquement parmi ce qui se fait de mieux en défense cette saison. Quand on regarde de plus près, ses interceptions et ces contres sont très variés. OG gêne le porteur, protège les lignes de passes, switche, revient pour les chase-down et propose même une protection de cercle grâce à son envergure et son sens du jeu.
Ogugua “O.G.” Anunoby correspond exactement aux définitions données pour le rôle de 3&D. Incapable de créer pour lui et pour autrui, mais il apporte du spacing grâce à une bonne réussite et un gros volume à trois points. Défensivement, il offre tout ce qui est attendu d’un 3&D. Ses limites offensives et ses prouesses défensives font de lui le meilleur 3&D de la NBA. Mais existe il encore d’autres 3&D dans la ligue en 2023 ? Le 3&D n’est-il pas trop unidimensionnel et par conséquent, inadapté à la NBA moderne ?
Les 3&D ont ils encore un rôle majeur à jouer en NBA ?
Afin de répondre à cette question pour conclure l’article, regardons les noms qui reviennent quand on parle de 3&D cette saison. Herbert Jones semble le plus proche du moule d’OG Anunoby, mais il en est seulement dans sa deuxième saison. Déjà élite défensivement, il a les armes pour devenir la futur référence chez les 3&D, mais peut être plus encore. Dans les joueurs qu’on peut cantonner à un rôle de 3&D, on peut aussi citer Dorian Finney-Smith. Et si vous doutez de son impact, allez demander du côté de Dallas ce qui aura manqué aux Mavs sur cette fin de saison.
Dans les meilleurs 3&D proposés par craftednba.com, on retrouve aussi Derrick White. Ici, clairement on a un joueur qui apporte offensivement bien plus que ce qui est attendu d’un 3&D. Dans la même veine, des joueurs comme Nicolas Batum, Alex Caruso ou Josh Hart sont parfois considérés comme des 3&D. Or, ces joueurs génèrent de l’attaque pour leur équipe, avec ou sans le ballon, pour eux ou bien leurs coéquipiers.
Nous avons aussi vu que le futur des 3&D est pourrait être plus à l’intérieur. Le rôle d’un 3&D étant de générer du spacing et d’avoir un impact en défense, Al Horford et Brook Lopez répondent clairement à ces critères. Le problème pour ces deux exemples vient de leur manque de mobilité loin du panier. Le futur du 3&D se trouve alors peut être alors chez les jeunes prospects qui seront capable d’offrir sur spacing, de la protection du panier et qui ajoute à ça la possibilité de switcher sur des extérieurs si besoin.
Le 3&D semble toujours survivre et peut toujours avoir un rôle impactant en NBA, mais il n’est plus l’atout ultime pour entourer une star. Dans une ligue qui continue de progresser, avec des schéma défensif qui savent punir les joueurs unidimensionnels, les 3&D viendront à disparaître. Il faudra savoir faire plus que seulement tirer dans le corner en bout de chaîne.