A l’approche de Jeux Olympiques historiques à Paris pour cet été 2024, QIBasket vous propose de revenir sur l’incroyable histoires des équipes de France féminines et masculines à travers deux séries d’articles. Pour l’épisode 10 sur l’équipe féminine, c’est par ici !
Épisodes précédents :
Épisode 1 – A la préhistoire du basket (1893 à 1931)
Episode 2 – Premiers trophées et période trouble (1932 à 1945)
Episode 3 – Un retour en grâce dans l’après-guerre (1948 à 1963)
Episode 4 – Aux oubliettes (1964 à 1982)
Episode 5 – Les premières légendes (1983 – 1996)
Episode 6 – Retour au premier plan (1997-2000)
Episode 7 – Génération Parker (2001-2009)
Episode 8 – Devenir une équipe (2010-2012)
Episode 9 – Le temps des champions (2013-2015)
Episode 10 – Rédemption (2015 – 2019)
Rattraper l’inachevé
Au choc de l’Eurobasket 2015 succède un devoir, celui de faire les jeux olympiques de Rio en 2016, pour que Tony Parker puisse enfin avoir la médaille qu’il convoite tant depuis tant d’années. Mais cet échec contre l’Espagne forcera les bleus à passer par un TQO, un Tournoi Qualificatif Olympique pour se rendre au Brésil. Ce type étrange de tournoi dont seule la FIBA a le secret et qui va amener la France à aller jouer aux Philippines à la fin du mois de juin 2016.
Mais la gueule de bois est bien présente, et surtout, la tendance est à un amer constat de fin de génération : « La génération 82 française était magnifique. Depuis son aînée des années 1950, aucun groupe tricolore ne s’était placé aussi régulièrement sur les podiums internationaux. Mais elle n’a jamais été suffisamment armée pour concurrencer son ennemie espagnole. Nous avions bien un Tony Parker, petit surdoué déjà admis au Hall of Fame mais l’Espagne, elle, a deux Gasol ! » Expliquait alors Jérémy Le Bescont sur BUSA.
La frissonnante marseillaise chantée à Lille après France-Serbie a marqué les esprits, mais la simple idée de se « coltiner » le TQO fait disparaître promptement les attentes de samba brésilienne. Surtout quand le tirage au sort emmène effectivement les bleus là où ils n’ont jamais mis les pieds : aux Philippines. Et ça n’est pas un tournoi ouvert, non, il faudra péniblement gagner par un, pas deux, mais quatre matchs, dont deux à élimination directe…
Une préparation et un TQO dans la douleur
Un tel parcours ne donne pas envie quand on sait qu’une seule équipe du TQO à Manille aura son billet pour Rio. Alors fini les chasses aux médailles, aux titres, l’objectif des bleus, c’est un gros billet d’avion qu’il va falloir aller chercher loin de Paris, et loin de Rio. Pour ce faire, la France s’attelle à une préparation à l’approche de l’été 2016. Vincent Collet fait confiance à son groupe : Parker, De Colo, Batum, Diaw, Gobert, le cinq majeur et magique. A cela s’ajoutent les Gelabale, Kahudi, Lauvergne. Mais la préparation est laborieuse : victoires sur la Lettonie et le Japon, mais entre lesquelles deux défaites contre la Serbie, adversaire qu’il faut toujours d’attendre à voir en fin de parcours, nourrissent des doutes.
La première défaite face à la Serbie avait d’ailleurs gâché une fête : celle de la dernière de Tony Parker à Bercy. Votre humble rédacteur était dans l’arène ce soir-là, témoignant de l’ambiance de feu dans la salle rénovée, les encouragements et le parquet marqué d’un « Mission Rio ». Les bleus dominaient, puis se sont fait rattrapés comme –trop- souvent. Un événement arriva soudain : une bagarre entre Alexis Ajinça et Nikola Jokic, alors encore à l’aube de sa notoriété à Denver. Un écart de comportement qui met le pivot français sur la touche, ainsi que le serbe. L’ambiance dégénère quelque peu, des serbes affichent une banderole politique sur le Kosovo, et tout le monde sort de son match. Le lendemain, des antagonismes entre Parker et Ajinça sont révélés, antagonismes qui se ressentent encore aujourd’hui. Le pivot, pourtant grand artisan du titre de 2013, tournera la page des bleus en apprenant sa mise à l’écart pour le TQO.
Le TQO justement, il arrive après deux stages de préparation, en France et à Manille. Et le premier match des bleus se joue devant 20 000 philippins déchaînés, le Président amateur de sniper, Rodrigo Duterte, et un Andray Blache, ex-NBA, tout droit ressorti des enfers de la ligue américaine. Et la France ? Son armada de talents ne devrait pas laisser la moindre chance à cette équipe philippine…et pourtant, elle va jouer ce fâcheux jeu, se cantonnant à rester au niveau de l’adversaire, qui lui profite de l’aubaine pour se mettre en confiance. Les philippins jouent un étrange basket, désordonné, aux tripes, mais avec une énergie qui met en défaut l’apparente
sérénité des français. Ceux-ci finiront malgré tout par se réveiller et vaincrons les locaux : 93-84. Une victoire…mais il en faut encore trois. La Nouvelle-Zélande se dresse devant la France et là encore, on frôle l’erreur de parcours, mais nouvelle victoire : 66-59. S’en suit la demi-finale du TQO, face à la Turquie, la tension est palpable, il ne s’agit plus des modestes philippins ou néo-zélandais…mais ça passe, non sans difficulté. Les bleus se sont cognés aux géants Semih Erden et Omer Asik dans la raquette, et comme le rapporte le correspondant de la FFBB à Manille : « En quatre minutes la Turquie fait souffler un léger vent de panique dans le clan français (3-13), confirmant une fâcheuse tendance à débuter les rencontres avec une agressivité en berne ». Mais la France se ressaisira et terminera le travail : 75-63. Pour la finale du TQO, c’est le Canada, et la France parviendra à boucler l’affaire de ce tournoi dont personne ne voulait. Il n’en est cependant pas moins le dernier fait d’arme de la génération Parker, dont la photo tout sourire de son groupe devant un gros billet pour Rio faisant office de trophée, sera l’ultime scène de joie de cette incroyable génération. Mais la réalité va rattraper ce groupe très rapidement.
Un tournoi Olympique dans la tristesse
“C’est un peu à l’image de Tony lui-même. Il avait déjà du mal à faire la différence en 2015. Il n’a pas particulièrement pesé en 2016. Le problème, c’était la fin de la domination Parker. Les autres joueurs tardaient à combler le vide. Et encore une fois on se fait étrillé par l’Espagne, et pas par Gasol, mais par Mirotic. Non, c’était horrible, mais c’était la fin d’une ère. Après le match, Tony a eu raison de dire “j’oublie ça et je pense aux meilleurs moments”.
Lors de notre entretien, George Eddy résume tristement un tournoi qui sera une immense déception. Après un TQO réussi, mais dans la douleur, les bleus complètent leur tour du globe et partent pour le Brésil pour se préparer aux jeux de Rio. Mais plus rien ne va. La préparation va être très courte et ne donnera pas de résultats concrets, et montre surtout des défaites inquiétantes. A quelques jours de la compétitions, les bleus reçoivent enfin leurs nouveaux maillots, qui auront autant de succès que le tournoi, auprès des fans. Autre élément de contexte et source de tensions : la mise à l’écart d’Evan Fournier, non sélectionné…l’intéressé saura prendre son mal en patience, mais sur le coup, il encaissa mal, très mal.
Et cette compétition commence dans la désormais habituelle entrée en matière ratée : défaite contre l’équipe d’Australie, 87-66, une rouste. Contre la Chine, adversaire anecdotique, les bleus retrouvent des couleurs et de la cohésion, avec le trio Parker-De Colo-Diaw pour mener aux points, aux rebonds et aux passes (88-60). Il y aura quand même une jolie surprise dans ce moment de doute. Lors du troisième match, les bleus parviennent à se défaire de la Serbie sur le fil (76-75). Cette victoire était elle annonciatrice de bonnes nouvelles ? D’une réaction d’orgueil ? Quoi qu’il en soit, le Venezuela passe lui aussi à la casserole des français (96-56), avant que TeamUSA ne manque pas d’avoir des difficultés à finir le travail face aux français (100-97) emmenés par un énorme Thomas Heurtel : 18pts-8reb-9ast. Oui oui, à deux rebonds et une passe d’un triple-double. Grace à ces victoires de caractère et cette défaite avec les honneurs contre les américains, on se dit malgré tout que Tony Parker pourrait enfin avoir cette médaille olympique. Et qui va bien entendu se dresser sur leur chemin, comme toujours, et comme en 2012 ? L’Espagne. On en viendrait presque à sourire, ou soupirer, à ce dire que parfois, ils ont même fait exprès de se mettre sur notre chemin. Mais les français, sur les trois dernières confrontations avec les ibériques, ont gagné deux fois et perdu de justesse. On se dit qu’il est temps que la génération Parker termine sur un exploit non ? Il n’en sera rien. Après un quart-temps de vague résistance, les français laissent à l’Espagne un match facile. Score final 92-67. Le Monde résume également avec tristesse : “c’est la fin d’un cycle, les bleus de Vincent Collet n’auraient pas pu être plus tristes”. Plus tard, Nicolas Batum, auteur d’un tournoi famélique, confessera ses grands sentiments de culpabilité, et de manque de confiance.
Eurobasket 2017 : rentrer dans le rang
La bande à Collet va se dissoudre à la fin de l’été, chacun va retourner vaquer à ses occupations de clubs. Le prochain rendez-vous est fixé, ce sera l’Eurobasket 2017, qui aura lieu en Finlande, Roumanie, Israël et Turquie. Après « Mission Rio », ce sera donc mission Istanbul, alors que la capitale s’honore d’accueillir en quelques semaines le final four de l’Euroleague et la phase finale de l’Eurobasket. Mais pour cela, il faudra d’abord passer les poules en Finlande, une mission largement à la portée des français. D’autant que le groupe des bleus est assez facile et qu’il suffira de terminer dans les quatre premiers pour se lancer en huitièmes de finales. Au menu : la Finlande, la Pologne, l’Islande, abordables ; et deux adversaires un peu plus menaçants, à savoir, la Grèce et la Slovénie, qui s’apprête à choquer le monde du basket.
Dès lors, les ambitions des français sont logiquement optimistes : allez loin, évidemment. La médaille ? C’est évident. Boris Diaw va même plus loin et pense que les bleus peuvent se relancer dans la course au titre européen. Après tout, l’équipe de France n’a plus manqué de médaille européenne depuis 2011. Et puis arrivent d’abord les forfaits en cascade, encore une fois : Gobert, Mahinmi, Batum qui a besoin d’un break avec les bleus…on vient encore chercher Noah…bref, on repart dans la frustration. Mais c’est aussi l’occasion pour Kévin Séraphin cette fois-ci de se dévouer et d’avoir l’occasion de faire ces preuves. Le groupe garde de bons éléments : Heurtel-Fournier-De Colo-Diaw-Lauvergne-Poirier-Diot-Labeyrie-Westermann. C’est bon, mais en réalité, ça ne suffira pas.
Et comme un symbole, c’est encore, encore une fois, l’habituelle défaite improbable : après l’Allemagne en 2013, le Brésil en 2014, l’Australie en 2016, c’est la Finlande qui joue chez elle, mais dont le public découvre l’existence même du basket par la même occasion (on exagère un peu certes), qui a le privilège de mettre les bleus dans la mouise mentale pour le premier match. Dans une Helsinki Arena comble, les scandinaves parviennent à rester collés aux bleus durant toute la partie, avant que ses meilleurs éléments, dont un certain Lauri Markannen, ne mettent les poignards bien placés pour d’une part envoyer la partie en prolongation, d’autre part finir le match. Les champions 2013, et bronze 2014 et 2015 se font ridiculisés par la Finlande. Match suivant : la Grèce. La en revanche, les bleus dominent totalement leur sujet et écrabouillent des grecs qui ne pourront rien faire (95-87). Pour l’occasion, je m’étais moi-même déplacé en Finlande, et je me rappelle avoir serré la main des joueurs et de Vincent Collet, tous très très heureux d’avoir su relevé la tête. S’en suivent deux victoires contre l’Islande et la Pologne, avec deux écarts conséquents, mais trompeurs : les bleus jouent en réalité à réaction et ne cherchent aucunement à proposer un rythme, ou à l’imposer, ils se contentent d’attendre le bon moment pour placer les points qu’il faut. Sauf que pour le dernier match contre la Slovénie, ce type de stratégie n’est absolument pas crédible. La Slovénie joue déjà un basket de champion, avec Dragic, Prepelic, et surtout Luka Doncic et file à l’évidence vers un titre. Ils ne feront qu’une bouchée de ces français en manque de motivation. Au final la France termine 3e, une sacrée claque qui les emmène en huitième de finale à Istanbul face à l’Allemagne pour espérer jouer un quart contre…l’Espagne. Est-ce que l’idée d’avoir encore à se coltiner les ibériques a joué ? On ne le sait pas, mais les français joueront un meilleur basket, avant de céder à la bande à Dennis Schröder. 84-81. Les bleus quittent la compétition dans l’oubli général. Malgré quelques bonne séquences, un très bon Boris Diaw, l’équipe montre quelques signes inquiétants et parait être rentrée dans le rang.
Pour George Eddy, “l’évidence c’est que l’équipe était destinée à De Colo, mais il n’a pas pu assumer son rôle. L’erreur était de faire jouer Fournier, De Colo et Heurtel, trois attaquant et c’était pas bon en défense. Mais il y avait un manque flagrant de qualité défensive.” Pour ma part, de retour de Finlande et après la compétition, j‘avais rappelé à quel point la France faisait face à une déception prévisible, mais aussi une frustration permanente. Les bleus ont besoin d’un renouveau.
TeamFrance : le renouveau ?
Alors que la FIBA met en place un véritable labyrinthe pour accéder aux 31 places du mondial 2019, il est clair que le calendrier imposé ne permettra pas de disposer de tout le groupe des titulaires pendant toutes les phases de qualifications. Pour ne pas dire que c’est même avec une équipe B, voire C, que la France va devoir jouer 80% de ces qualifications. Ce dispositif, du aux tensions entre la FIBA, la NBA et l’Euroleague, ont deux conséquences particulièrement injustes pour les joueurs : d’une part, elle contraint les grosses écuries, aux effectifs essentiellement composés de joueurs NBA ou Euroleague, à aligner des équipes réserves, des groupes sans vivre-ensemble. D’autres parts, elle impose à ces joueurs de réserves de faire le travail pour que les grandes têtes puissent eux aller en Chine. En 2017, je vous avais expliqué, non sans humour, non sans ironie, ce système de qualification.
La Slovénie, championne d’Europe, sera une victime rapide de ce système, mais la France elle, va avoir le bon réflexe : TeamFrance. Qu’est-ce que TeamFrance ? Un vivier, une mesure de sureté. TeamFrance doit réunir un groupe assez large de joueurs. Ceux-ci, de la NBA à la Pro A, ou même la Pro B, sont désignés comme faisant partie intégrante de l’équipe de France, et doivent se tenir prêt à se mobiliser pour l’équipe nationale. Ainsi, dans ce vivier, on va retrouver les Gobert, Batum, Fournier
Et ce groupe va faire des merveilles. Dès la première phase de groupe, l’utilité de TeamFrance fait ces preuves. Très vite, certains montrent leurs capacités à prendre des responsabilités, à s’impliquer dans le jeu proposer par Vincent Collet : Moustapha Fall, Paul Lacombe, Tim Howard, Causeur, Invernizzi, Edwin Jackson, Albicy, Axel Julien, Livio Jean-Charles, Jeremy Leloup, Matthias Lessort, Nicolas Lang, Louis Labeyrie, Thimote Luwawu-Cabarrot, Amath M’Baye, Jonathan Rousselle et prêt d’une trentaine d’autres ! Autant de garçons qui étaient tous dans l’antichambre de l’équipe de France, mais qui n’avaient jamais eu suffisamment de temps pour prouver leur valeur. Au final, un seul chef sera là du début à la fin : Boris Diaw. Laissé injustement sur la touche est agents libres de la NBA, « Babac » décide de s’installer à Levallois pour remplir une dernière mission : assumer le leadership d’un groupe qui va tourner, pour garantir la cohésion.
Et tout cela va fonctionner, dès le départ au milieu des Flandres belges, à Anvers, cet étonnant groupe va se défaire de la Belgique, pour commencer. S’en suivront des victoires contre la Russie, la Bosnie et une première place facile acquise pour la première phase. Boris se met en mode « légende » notamment dans un match contre la Russie qui se joue dans les ultimes secondes. Laissant pressentir une annonce de fin de carrière, Diaw livre un match complet et obtient l’admiration de tous. Comme tout un symbole, durant l’été, à Mostar, en Bosnie, dans une salle de taille…communale, ce sont bien les Gobert, les Fournier, les De Colo qui débarquent pour prendre le relais de leur camarades qui se sacrifient pour eux en saison régulière. Le groupe de Collet dominera outrageusement les bosniens. En seconde phase, ce sont les finlandais, les tchèques et les bulgares qui sont les victimes des bleus. La France va jouer à Rouen, Strasbourg, Limoges, Nancy, Nantes, elle grossit sa popularité et son appréhension.
Mais l’heure des choix va arriver, alors que la France obtient son billet pour la Chine et le mondial 2019. Il faudra admettre que certaines places sont déjà gardées pour les superstars, mais que d’autres sont à prendre. Mais c’est là aussi que le vivier TeamFrance va prouver son utilité. En attendant, le cap est mis sur Schenzhen, mais sans Boris Diaw.
Au mois de septembre 2018 et alors que la qualification est quasiment acquise, le grand capitaine, ami de Tony Parker, Champion d’Europe 2013 et champion NBA en 2014 avec lui, décide de tirer sa révérence avec le basket, après 247 sélections, soit une de moins qu’une certaine Elisabeth Riffiod. Pourquoi s’arrêter là ? Parce que Madame Riffiod n’est rien de moins que sa mère, Hall of Famer en France. Et son fils, dans un dernier geste d’humilité, décida de ne ni égaler, ni dépasser ce nombre. Ce moment est, avec celui de la remise du trophée de champion d’Europe 2013 dans ces mains, le plus beau moment de Boris Diaw en équipe de France. Avec lui, se ferme la page de la génération Parker.
Chine 2019 : « nous sommes ici pour faire l’histoire ».
Mais Boris Diaw va laisser la place à la nouvelle génération. Alors que les bleus s’apprêtent à entamer l’été 2019 et la préparation pour le mondial, il s’agit de finaliser quelques choix pour le groupe qui partira jouer le mondial. En tout cas, pour George Eddy, durant notre entretien, cette équipe de France sera cette fois-ci une force défensive : “Maintenant tu as Gobert, et tous les autres ont intérêt à suivre son exemple ! Dans ces compétitions là, il faut jouer plusieurs styles différents.”
Et voici notre dernière présentation d’effectif de cette série. Au final, Collet s’appuie sur les valeurs sures :
Gobert, Batum, De Colo, Fournier, sonnent comme des évidences, mais ils ne sont pas seul : Adrien Moerman, Thomas Heurtel, qui font des malheurs en Euroleague. S’en suivent des arrivées qui apportent leur lot de motivation : Vincent Poirier, énorme satisfaction des éliminatoires, mais aussi et surtout, The French Prince, Frank Ntilikina. Formé à Strasbourg et drafté par les Knicks de New York, comme le fut Fred Weis, le meneur avait passé une bonne première année en NBA, avant de rester sur la touche longtemps…trop longtemps. L’équipe de France et sa présence en équipe de France, autant lui que les fans l’attendaient. Sans trop de surprise, Louis Labeyrie vint rejoindre le groupe également. Et puis arrivèrent deux mauvaises nouvelles : Heurtel et Moerman se blessent pendant la préparation. Ils sont remplacés par Andrew Albicy, et Matthias Lessort. Puis arrivent les petites surprises du chef Collet : Paul Lacombe, Amath M’Baye, mais aussi Axel Toupane, qui se fait discret en NBA.
Et ce beau petit groupe fera une préparation sans trop de surprises, mais comme d’habitude, avec un peu de doutes sur le mental : défaite contre la Turquie, victoire contre la Tunisie, le Monténégro, le Brésil, l’Argentine, la Nouvelle Zélande. Puis en Chine, les bleus tentent de s’appliquer : victoire contre l’Italie, défaite contre le favori du tournoi, la Serbie.
La compétition débute au sein d’un groupe de 4 équipes : l’Allemagne, la Jordanie, la République Dominicaine. Le moindre faux-pas sera fatal. Et le groupe de Collet, si habitué à rater ses entrée de compétition, colle un 17-0 aux allemands après 7 minutes de jeu ! Sonnés, les germaniques tentent de se ressaisir…mais c’est surtout les français qui les laissent revenir ! A peine commencé, on saisit que ce tournoi peut être celui des bleus, et qui sont les bonnes surprises du groupe : Frank Ntilikina et Amath M’Baye. La partie se termine au bord du désastre, avant que la France ne finisse le travail. 78-74 Ouf ! Le second match contre la Jordanie est une formalité, malgré un premier quart temps légèrement douteux (103-64), tout comme celui contre la République Dominicaine (90-56). La France joue un jeu très plaisant et surtout, l’intensité défensive est impressionnante. Direction le deuxième tour, et il faut être honnête…on sent bien cette équipe de France, malgré quelques passages à vide, malgré quelques lacunes offensives, à l’image de De Colo qui rate son entrée en matière.
Le second tour comporte deux matchs : l’un contre la Lituanie, l’autre contre l’Australie. Deux équipes de haut rang. Le premier match contre les lituaniens est tendu, extrêmement tendu. Rien ne parvient à départager les deux formations qui prennent du retard, puis le refont sur l’autre, successivement. Au final, tout va se jouer dans les dernières secondes. Alors que les bleus sont devant à 30s de la fin, Valenciunas croit avoir obtenu la faute et le panier, mais les arbitre le contredisent. Le pivot met son premier, mais au second lancer, le ballon rebondit autour de l’arceau. Gobert, utilisant la règle FIBA du balayage, éjecte la balle qui s’apprétait à rentrer. Tout le monde ne le remarque pas, mais le geste de Gobert est totalement illégal. Le banc lituanien fulmine, mais voit De Colo marquer le panier de la victoire juste après. Furieux le coach balte déposera plainte auprès de la FIBA, avant de démissionner…malgré la confession de la FIBA. Les quarts sont assurés, mais il faut savoir qui sera l’adversaire français en quart : USA…ou les modestes Tchèques. Pour s’éviter l’armada américaine, il faut battre les australiens qui imposeront un rythme offensif et une adresse infernale à trois points, avant de chipper la balle dans les mains de De Colo sur l’ultime action pour espérer une prolongation. Ce sera donc Team USA. Vincent Collet et son groupe, bien que mal servi alors qu’ils auraient pu jouer la République Tchèque, se regroupe dans le vestiaire, alors que Collet annonce « Nous allons marquer l’histoire ».
Trois matchs historiques, deux exploits
Le groupe américain ne comprend pas les superstars habituelles, mais il est extrêmement bien fourni : Kemba Walker, Donovan Mitchell, Miles Turner, Jayson Tatum, Marcus Smart, le All star Khris Middleton, ou encore le champion NBA Harrison Barnes, qui avait été membre de la fabuleuse équipe des Warriors de 2016. Bien que moins impressionnante, cette équipe américaine a dominé son sujet et ne tremble pas trop, sous le coaching de Greg Popovic, et de Steve Kerr, deux des plus grands coachs de NBA de l’histoire.
Et pourtant, alors que tout semblait aller contre les bleus, c’est à ce moment-là que l’équipe de Vincent Collet va décider de revêtir ses habits de héros. Tout y est : la défense, l’attaque, l’adresse, mais surtout, ces bleus regardent les américains droit dans les yeux. Et dès le premier quart-temps, on sait que l’équipe de France est ici pour faire du travail sérieux : 18-18. Au second quart temps, aucune peur, aucun tremblement, la sérénité française effraye tellement elle est efficace. Frank Ntilikina étouffe Walker, Gobert prend la mesure de Turner, de Brook Lopez. Et à l’extérieur, Evan Fournier, intenable depuis le début du tournoi, ne montre aucune hésitation et enchaine les paniers. En plus de cela, Amath M’Baye continue de briller, et Andrew Albicy prend le relais de Walker au point de lui chipper la balle en face à face dès la remise en jeu ! On se met à y croire, la France mène de 6pts à la mi-temps ! Mais au retour des vestiaires, malgré une excellente entame et un avantage de 10pts pour la France, c’est au tour de Donovan Mitchell de revenir en force. Le coéquipier de Rudy Gobert au Jazz d’Utah enchaine les bonnes actions, et c’est tout TeamUSA qui reprend confiance face à TeamFrance. La défense reste présente chez les bleus, mais le rythme augmente et les américains prennent un avantage de 7pts. A cet instant, on imagine que l’affaire risque d’être pliée pour la France. Mais ces bleus sont historiques, et reviennent, petit à petit. Frank Ntilikina, bien décidé à se venger de l’oubli dont il est victime en NBA, met un trois points pour égaliser à 4min de la fin. Le reste relève du rêve, du fou, de l’histoire : Fournier, Gobert, Ntilikina à trois encore, mettent les américains à 7 longueurs, Gobert contre Walker, la salle de Dongguang se lève, alors que Gobert contre Donovan Mitchell ! Le reste est affaire de lancers-francs, et les bleus, à 60s de la fin, fêtent déjà une victoire qu’aucun français n’a jamais vu en compétition officielle de ses propres yeux : France 89 – 79 USA.
Deux jours plus tard, la France est à Pékin pour sa seconde demi-finale de coupe du monde d’affilée, et la seconde de son histoire. L’émotion après avoir battu les américains provoque un véritable sentiment d’espoir parmi les supporters français. D’autant qu’en face d’eux, ce sont des argentins menés par un vieillissant Luis Scola. Mais voilà, épuisés par leur duel en quart de finale, la longue distance à faire en avion jusqu’à Pékin et l’intraitable énergie des sud-américains, les bleus sont totalement dépassés. Tout ce qui faisait la force de l’équipe s’évaporent, et le public regarde pantoi cette équipe soudainement devenue innofensive. Et alors qu’elle a l’occasion de mettre de la folie, de recoller au score, de jouer avec de l’orgueil, les français semblent incroyablement mous, frustrés, à l’image de Fournier qui enchaîne les ratés, alors qu’il était jusqu’ici le meilleur attaquant du tournoi. Pire encore, l’équipe de France avait la meilleure adresse à trois points de la compétition. Contre l’Argentine, ils rateront presque 90% de ces shoots. Le buzzer retentit, les argentins célèbrent déjà leur médaille d’argent, alors qu’Evan Fournier, qui avait juré de ne pas revivre le France-Serbie de 2014, peine à cacher sa rage et sa colère, contre le score, le sort, et lui-même.
Il restera aux français de conquérir une ultime médaille, pour sauver l’honneur, et valider un tournoi qui reste malgré tout l’un des plus accomplis de leur histoire. En face d’eux, l’Australie, une nouvelle fois. Eux aussi ne cachent pas leur frustration après leur défaite en demi-finale contre les espagnols après deux prolongations.
Mais les français, eux, sont encore dans le match précédent et refont les mêmes erreurs, en série : manque de confiance, mauvaise adresse, passivité. Après trois quart-temps, ils sont menés de 16pts. Pour beaucoup de supporter, il n’y a plus qu’à attendre la fin. Et puis, tout revient. L’adresse, la défense, l’énergie. Les bleus ne se contentent plus de remonter, il étouffent totalement leurs adversaires. Les bras de Batum deviennent immenses, l’énergie de Fournier incontenable, et surtout Nando De Colo termine la compétition en tueur, alors qu’il était perdu sur le terrain deux semaines plus tôt. La France fini par se venger et termine le tournoi en caractère, et signe une nouvelle page de son histoire glorieuse, 100 ans après les jeux interalliés au stade Pershing, ou ils jouèrent pour la première fois. Les bleus ont trouvé la rédemption.
Epilogue…pour l’instant
Par ces dix épisodes, nous vous avons présenté 120 ans d’histoires du basket français et 100 ans d’histoire de l’équipe de France masculine. Cette idée venait du constat que même si des ouvrages existent et son nombreux, que des spécialistes, des sites, savent vous raconter l’histoire du basket, et du basket en France, ce savoir demeurait difficile d’accès, difficile à trouver. Il était donc, dans l’idée, prévu de rassembler le maximum de sources pour faire un fil chronologique complet.
En 120 ans, la France a tout connu, elle a joué dans les terrains extérieurs, les petites salles amateurs, et les grandes arènes modernes du sport mondial. Elle a joué avec des anonymes, des héros d’un soir, des stars locales, ou des légendes du basket. Elle a affronté les plus modestes formations, les grand professionnels, ou les superstars de la NBA, jusqu’à Michael Jordan. Elle a reçu les regards et les conseils des plus sages de ce sport, du créateur du basket James Naitsmith à Bob Cousy. Elle a croisé les regards des dictateurs des heures sombres, et les présidents des démocraties pacifiées. Elle a séjourné dans des vestiaires improvisés, des hôtels sans chauffage, péniblement traversé les kilomètres en bus, avant de parcourir le monde, une fois, deux fois, trois fois.
Elle fut une pionnière du basket, une grande équipe, puis une formation anonyme, avant de finalement affronter son destin, celui qui l’a amené sur le chemin de la victoire. Il aura fallu presque 100 ans pour qu’une médaille d’or soit autour du cou d’un joueur de l’équipe de France, enfin. Ce siècle d’attente avait débuté sur le bois du parquet de la rue de Trévise, et s’est terminé dans les yeux émerveillé de Tony Parker à la fin de France-Lituanie en 2013. Elle a aussi connu les difficiles désillusions, de 1948, 1949, 1999, 2005, 2012, 2015, 2016, mais ces moments de défaites furent les bases des moments de gloire. Et le groupe de Vincent Collet n’a pas encore terminé de remplir son armoire à médailles…
Mille mercis pour cette magnifique rétrospective.
Très beau travail !