Depuis 1946 et la création de la National Basketball Association, quelque cinq mille joueurs ont foulé les parquets de la Grande Ligue. Certains d’entre eux ont laissé une empreinte indélébile qui ne sera jamais oubliée. D’autres sont restés bien plus anonymes. Entre les deux ? Des centaines de joueurs, qui ont tour à tour affiché un niveau de jeu exceptionnel, mais dont on oublie bien souvent la carrière.
Dès lors, @BenjaminForant et @Schoepfer68 ont décidé de dresser – littéralement – le portrait de certains de ces acteurs méconnus ou sous-estimés. Au total, ce sont 60 articles qui vous seront proposés : un par année, entre les saisons 1950 – 1951 et 2009 – 2010. Pour chaque saison, un joueur a été sélectionné comme étendard, parfois en raison d’une saison particulièrement réussie, d’une rencontre extraordinaire ou encore d’une action historique …
Chaque portrait s’inscrira dans une volonté, celle de traverser l’Histoire de la NBA de manière cohérente. Ainsi, ces portraits (hebdomadaires) seront publiés dans un ordre précis : un meneur, un arrière, un ailier, un ailier-fort, un pivot. Au bout de cinq semaines, c’est donc un cinq majeur qui sera constitué. Les plus matheux d’entre vous l’aurons compris : au final, ce seront douze équipes, toutes composées de joueurs ayant évolué au cours de décennies distinctes, qui auront été composées.
A vous de déterminer lequel de ces cinq majeurs sera le plus fort, le plus complémentaire, le plus dynastique.
Vous trouverez en fin d’article les liens vous permettant de (re)consulter les articles précédents.
La jaquette
Pour chaque article, @t7gfx vous proposera ses créations. Vous y retrouverez une illustration du joueur présenté (en tête d’article) ainsi qu’une présentation de chaque cinq majeur projeté (chacun avec une identité visuelle propre).
Le synopsis
Certaines histoires dépassent de loin le seul cadre formé par les quatre lignes d’un terrain de basket. Celle de Micheal Ray Richardson, éphémère meneur star du début des eighties, a contribué – au grand dam du principal concerné – à redessiner la face de la NBA et de certaines de ses règles.
Sugar Richardson est né le 11 avril 1955 à Lubbock (Texas). Du haut de son mètre 96, il s’installa en tant que combo-guard dans une Ligue qui commençait doucement à s’exporter vers les lignes arrières. Talentueux à la passe, trashtalker émérite et exceptionnel pour lire les lignes de passes adverses – la liste n’est pas exhaustive -, il s’est imposé comme étant une figure majeure de son époque.
Pourtant, lorsque l’on en vient à parler de lui, ce n’est que trop rarement pour évoquer ses performances sportives. En effet, depuis le milieu des années 1980, son curriculum vitae est entaché d’une mention rédigée à l’encre noire indélébile : “banni à vie de la NBA”. A défaut d’en avoir été un pour la jeunesse, Micheal Ray Richardson a servi d’exemple dans la nouvelle politique mise en oeuvre par David Stern, qui, à sa nomination en tant que commissaire de la Ligue en 1984, a fait de la lutte contre la drogue l’un de ses cheval de bataille. En guise de message adressé à tous les joueurs, c’est la tête du meneur qui a été coupée. A posteriori, des interrogations demeurent ; en premier lieu, la question que se posent tous les fautifs : pourquoi moi et pas un autre ? Il faut dire que dans cette NBA gangrenée par le racisme et la drogue, d’autres joueurs auraient pu connaître le bannissement ad vitae aeternam.
Devenu un symbole malgré lui, Micheal Ray Richardson n’en reste pas moins un formidable joueur de basket-ball, dont les prouesses ne doivent pas être occultées par son penchant prononcé pour la cocaïne. C’est de sa carrière et de son sort – certes regrettables, mais enviables pour quiconque porte le nom de famille “Bias” – dont nous allons parler à travers de 51è portrait de notre série.
Action !
Montons dans la DeLorean pour revenir en 1974. Richardson a alors 19 ans et a grandi dans la campagne texane, avant d’intégrer la Manuel High School de Denver. Après 4 années de cursus et une place de titulaire gagnée lors de la dernière d’entre elles, il rejoignit la peu réputée faculté de Montana, qui ne comptait alors à son palmarès qu’une seule incursion dans le tournoi NCAA (1975, élimination lors du sweet sixteen par UCLA).
Il y a restera également quatre années, au cours desquelles ses principales forces éclatèrent aux yeux des observateurs : défense hargneuse, scoring au-dessus de la moyenne, vision du jeu et et capacité d’interception élite. S’il ne disputera aucun tournoi final, sa progression fût constante et exponentielle (de 7,5 points et 3,6 rebonds à 24,2 points et 6,9 rebonds). En 107 rencontres, il distribua le total de 372 passes décisives aux copains, ce qui fait de lui le 4è meilleur passeur de l’Histoire des Grizzlies du Montana. Accessoirement, il en est également le second meilleur scoreur (1 827 points) et demeure le seul à avoir un jour scoré 40 points sous le maillot de l’université.
Fort d’une dernière saison convaincante individuellement et collective (20 – 8 de bilan) et d’une troisième nomination consécutive dans la All Big Sky Conference 1st Team, il se présenta à la draft 1978. Derrière Mychal Thompson (#1, Portland Trailblazers), mais surtout devant Larry Bird (#6, Boston Celtics) ou Mo Cheeks (#36, Philadelphia Sixers), il est sélectionné en 4è position par les Knicks de New-York. Lui le campagnard de naissance allait découvrir l’effervescence de celle qui ne dort jamais.
On retrouve dans l’effectif coaché par Willis Reed une tripotée de superstars sur le déclin. Il en va ainsi d’Earl Monroe, qui entrait en 1978 dans l’avant-dernière saison de sa si riche carrière. Le constat est quasiment le même pour Spencer Haywood, dont les plus belles années étaient désormais largement derrière lui. Enfin, le big-three était complété par le plus jeune Bob McAdoo, encore dans son prime, mais dont les jours à New-York sont comptés.
C’est dans ce contexte que Sugar Richardson intègre la Grande Ligue. Il occupe alors la place de 3è meneur de jeu, derrière Jim Cleamons et Ray Williams, pour 17 minutes de présence sur les parquets par soir (72 rencontres). La NBA, dirigée par Larry O’Brien, était alors en pleine mission “reconquête”. En crise d’affluence, avec des matchs de finales diffusés en différé, la Ligue subit de plein fouet un désintérêt massif du public – essentiellement américain alors.
En cause, notamment, l’image de la Ligue et de ses principaux acteurs, et surtout la place grandissante que prenait alors la drogue dans l’institution. En effet, le tournant de la décennie 1970 pour la Grande Ligue est placé sous le signe de la consommation de substances en tout genre. Stan Kasten, G.M des Hawks de l’époque, estimait ainsi que 75 % des joueurs se droguaient régulièrement. Nous avons évoqué le problème lorsque nous parlions du cas de David Thompson, dont la déchéance fût, en grande partie, liée à sa (sur)consommation de cocaïne. Pour l’anecdote, Thompson a tenté de sniffer la ligne des lancers-francs, là où Haywood est tombé inconscient suite à une prise de psychotrope qui l’écarta des terrains. Pour le decorum, nous repasserons.
Cette mission reconquête, menée par O’Brien puis par son successeur, David Stern, a pour étendard principal la rivalité entre Larry Bird et Magic Johnson. A son échelle, Micheal Ray Richardson va y participer également. Sa saison rookie reste anecdotique, avec 6,5 points, 3,2 rebonds et 3 passes décisives par soir. Pourtant, déjà, il s’affirme comme un défenseur redoutable, ce qui lui permet de gratter son temps de jeu quotidien.
Son rôle et sa place dans la Grande Ligue explosèrent l’année suivante, sans que l’on sache avec exactitude pourquoi Red Holzman lui a soudainement fait confiance. En effet, en début de saison, le sophomore reste cantonné sur le banc des remplaçants. Il devient le joueur all-around par excellence ; la période de 5 rencontres disputées entre les 30 octobre et 10 novembre 1979 en est la meilleure preuve : 14,8 points, 6,2 rebonds, 7 passes décisives et 4,6 interceptions de moyenne. Il faut dire que ces rencontres constituent ses premières en tant que titulaire sur le bateau New-Yorkais. La légende veut qu’il soit devenu titulaire notamment grâce à son culot.
En effet, après un début de saison moyennasse, Red Holzman réclama avec insistance un vrai meneur pour diriger le jeu de son équipe. Diatribe à laquelle Sugar Richardson aurait répondu :
“Le vrai meneur, vous l’avez en face de vous, coach”.
Vérité ou mensonge, il n’en demeure pas moins qu’à compter de la 10è rencontre de cette saison 1979 – 1980, Micheal Ray Richardson devint le meneur titulaire des Knicks. Si les victoires ne sont pas légion, l’impact du joueur grandit. En témoignent ses 22 points et 18 passes décisives dans une victoire (+ 4) contre Boston à la mi-novembre, ligne statistique qu’il rééditera deux mois plus tard dans une rencontre remportée sur le terrain des Suns. Il “frôle” même le quadruple-double le 11 janvier 1980, dans un match perdu au finish dans le Wisconsin. En effet, à ses 18 points inscrits (53,3 %), le meneur a ajouté 11 rebonds, 14 passes décisives et 7 interceptions. Ils ne sont d’ailleurs que 3, dans l’Histoire de la Grande Ligue, à avoir un jour terminé une rencontre avec une telle ligne statistique (sans tenir compte de la précision au tir) : Fat Lever, Micheal Ray Richardson et Magic Johnson.
Sugar érige d’ailleurs l’interception au rang d’art, au point qu’aujourd’hui, il possède la seconde meilleure moyenne d’interception (en carrière) de tous les temps : 2,63 / match. Lorsqu’arriva le All-star game 1980, auquel le meneur des Knicks est convié, il figure en tête des meilleurs passeurs et intercepteurs de la Ligue. Il en sera de même à la fin de la saison, terminée avec 15,3 points, 6,6 rebonds, 10,1 passes décisives et 3,2 interceptions. A ce jour, seuls Slick Watts (1975 – 1976, 8,1 passes décisives et 3,2 interceptions), Don Buse (1976 – 1977, 8,5 passes décisives et 3,5 interceptions), John Stockton (1988 – 1989, 13,6 passes décisives et 3,2 interceptions, mais aussi 1991 – 1992, 13,7 passes décisives et 3 interceptions) et Chris Paul (2007 – 2008, 11,6 passes décisives et 2,7 interceptions, 2008 – 2009, 11 passes décisives et 2,8 interceptions et enfin 2013 – 2014, 10,7 passes décisives et 2,5 interceptions) ont été conjointement meilleur passeur et intercepteur d’une saison NBA.
Il entamera son troisième exercice professionnel sur les mêmes bases : 22 points, 5 rebonds, 10 passes décisives et 5 interceptions pour inaugurer la saison (victoire + 5 contre les Bucks), puis 20 points, 10 rebonds, 13 passes décisives et 7 interceptions le surlendemain pour surclasser les Sixers (+ 20). S’il n’atteint jamais un quelconque sommet au scoring (pour l’heure, il possède un career high de 28 points), il est le meilleur meneur rebondeur de la Ligue, avec 7 prises par soir. Une marque qui n’étonne plus aujourd’hui, à l’heure où Westbrook, Simmons ou Doncic attrapent 10 rebonds régulièrement. Pourtant, avant Sugar Richardson, seuls Guerin, West, Frazier et Von Lier avaient terminé une saison avec au moins 7 rebonds par soir en tant que meneur(s).
L’équipe des Knicks ne fait pas rêver sur le papier. Et pourtant, alors que toutes les anciennes gloires précitées ont quitté le navire, la franchise se remet à gagner, au point de se remettre à rêver d’exploits en playoffs. Troisième option offensive derrière Ray Williams et Bill Cartwright, Richardson est également l’initiateur principal de l’attaque d’une équipe solide.
Il aura les honneurs du All-star game une seconde fois, et réalisa quelques performances so 2020 :
- 23 déc. 1980 @ Chicago : 19 points, 6 rebonds, 6 passes décisives et 9 interceptions, dans une défaite (- 3) ;
- 6 janv. 1981 vs San Antonio : 20 points, 4 rebonds, 8 passes décisives et 8 interceptions, dans une défaite (- 5) ;
- 21 mars 1981 vs Cleveland : 27 points, 15 rebonds, 19 passes décisives et 2 interceptions, dans une victoire (+ 14) ;
- 24 mars 1981 vs Boston : 26 points, 12 rebonds, 11 passes décisives et 6 interceptions, dans une défaite (- 2).
On ne dirait pas comme cela, mais les Knicks remportèrent 50 victoires cette année-ci et se permettent même d’avoir l’avantage du terrain lors du premier tour disputé contre les Bulls (5è, 45 victoires). Richardson découvre donc cette année-ci les grands frissons de la post-season ; cependant celle-ci tournera court, puisqu’en deux petites défaites les Knicks sont priés de partir en vacances.
Une élimination, certes, mais la saison régulière était pleine de promesse. Tout semblait donc réunit pour que l’exercice 1981 – 1982 soit une réussite, aussi bien pour la franchise que pour Richardson, qui aurait d’ailleurs certainement intégré la All-NBA Third Team 1980 … si celle-ci avait existé. Il figure par contre pour la deuxième fois consécutive dans la meilleure équipe défensive de la Ligue. Passeur et intercepteur, certes, mais également défenseur chevronné.
L’oscar de la saison 1981 – 1982
Au grand lancement de la saison, les Knicks n’ont qu’un seul meneur dans leur effectif. Ray Williams a en effet quitté l’équipe, qui accueille le désormais défunt Paul Westphal, qui apporte un peu de son immense expérience. A l’instar de la saison précédente, le roster n’a rien pour faire peur. Richardson semble en être le meilleur élément, sans pour autant être capable de se muer en véritable franchise player. Cependant, à l’inverse de l’exercice achevé, New-York ne va pas surjouer, et réalisera une saison collectivement médiocre.
Et pourtant, dans son style si caractéristique et complet, Sugar réalise un début de saison à la hauteur de ses saisons précédentes. Il réalise moins de passes décisives qu’avant, mais compense cette baisse statistique par une augmentation sensible du nombre de tirs pris et donc, par conséquent, de points scorés. Il n’en reste pas moins qu’avec 7 triples-doubles, Richardson a réalisé 17,95 % des performances du genre sur l’ensemble de la saison (7 / 39). Il est le second joueur le plus prolifique en la matière, derrière l’intouchable Magic Johnson et ses 18 occurrences (46,15 % des triples-doubles de la saison !).
New-York est pourtant à la peine en ce début de saison, avec 4 victoires lors des 12 premières rencontres. Cependant, dans le sillage de son meneur, dont le niveau de jeu augmenta brusquement au début du mois de décembre 1981, la franchise de la Grosse Pomme termina l’année civile avec un bilan équilibré de 15 victoires pour 15 défaites. Il faut dire que sur les 14 dernières rencontres de l’année, Sugar affiche 20,5 points, 7,9 rebonds et 8,2 passes décisives de moyenne, étant précisé que la moyenne des interceptions manque souvent à l’appel. Le tout avec 51,5 % de précision au tir. Et les Knicks remportèrent 8 de ces rencontres, pour recoller dans le peloton des franchises playoffables.
Son mois de janvier, qui terminait en fanfare avec une troisième sélection consécutive au match des étoiles, s’inscrit dans la même veine : 18,4 points, 8,7 rebonds et 7,5 passes décisives. Cependant, ses performances all-around ne suffisent plus pour maintenir les Knicks à flot (5 victoires, 9 défaites). Il commence à se murmurer que l’avenir du poste de meneur sera placé conjointement dans ses mains et celles de Magic Johnson. Les rencontres entre les deux bonhommes sont guettées comme des événements, signe de la reconnaissance que Micheal Ray Richardson a désormais engrangée.
Pourtant, un bémol semble poindre le bout de son nez. S’il est irréprochable sur le terrain de basket, son rythme de vie ne semble pas forcément compatible avec la vie attendue d’un athlète de très haut niveau. Sugar aime la vie nocturne, et ne se prive pas pour en profiter autant que faire se peut, dans une ville de New-York qui ne manque évidemment pas d’attractions. Les soirées en galantes compagnies s’enchaînent (à tout le moins, commencent à apparaître dans les médias) et les problèmes de cocaïne sont mis au grand jour. Cependant, pour l’heure et sous le règne de Larry O’Brien, la drogue n’était pas encore proscrite en NBA. Les choses allaient très vite changer.
Les Knicks sont désormais pleinement enfermés dans une spirale de résultats négatifs, dont ils ne sortiront pas d’ici la fin de la saison régulière. Le grand final de celle-ci sonne également la fin de l’ère Red Holzman sur le banc. Pourtant, difficile d’imaginer qu’avec un autre coach le roster aurait réalisé des merveilles. Richardson était un excellent lieutenant dans le costume d’un franchise player, et n’était entouré que de role players. Le manque de profondeur sur le poste 1 va d’ailleurs se faire ressentir en fin de saison, que Sugar termina sur les rotules. Il réalisa pourtant un sublime mois de février 1982, au cours duquel il ne fût de nouveau pas bien loin du quadruple-double (15 points, 12 rebonds, 12 passes décisives et 7 interceptions).
Après quelques recherches, il s’avère que le meneur new-yorkais se classe sur la troisième place du podium des joueurs qui ont réalisé le plus de triples-doubles avec au moins 5 interceptions, dans une carrière qui ne fût pourtant longue que de 556 rencontres. Fat Lever domine le classement avec 10 occurrences, devant Magic Johnson (9) et Richardson (8). Au petit jeu du ratio, qui vaut ce qui vaut, c’est-à-dire pas grand-chose, c’est le meneur des Knicks qui se trouve être en tête de cette statistique dans l’Histoire, avec une telle performance tous les 69,5 matchs (contre 75,2 pour Lever et 100,6 pour Johnson).
Avec 31 victoires, New-York termine avant-dernière de sa conférence Est et hérite du 6è pick de la draft à venir. Une draft qui ne changea rien à la face de la franchise. L’arrivée d’Hubie Brown sur le banc et celle de Bernard King sur le poste 3, elles, entraînèrent plusieurs bouleversements.
Le générique de fin
En effet, King était le franchise player que tout Gotham City attendait. Sous peu, il deviendra meilleur scoreur d’une NBA qui ne manquait pas de joueurs talentueux lorsqu’il s’agissait de mettre la balle dans le panier. Son duo avec un meneur passeur comme Richardson promettait d’être terrifiant pour n’importe quelle défense adverse. Sauf que dans le deal qui permit aux dirigeants New-Yorkais de ramener au bercail le natif de Brooklyn, Micheal Ray Richardson est envoyé à Golden State ! De duo, il n’y en aura donc pas.
Voici donc Sugar arriver dans la baie d’Oakland. Au début des années 1980, Oakland était d’ailleurs perçue comme … le haut lieu de la cocaïne en NBA. Au point que certains entraîneurs, à l’heure d’affronter les Warriors, préféraient loger à Los Angeles. A cet égard, Mike Fratello, alors entraîneur des Hawks, déclara :
“Je préfère qu’ils baisent jusqu’à en crever à Los Angeles plutôt que de passer ne serait-ce qu’une seule nuit à Oakland”.
C’est dire si le contexte global de la ville Californienne n’allait en rien améliorer les problèmes de drogue de Micheal Ray Richardson. Au contraire. Son départ de New-York sonne, en quelques sortes, comme le premier début de sa propre fin. Devenu addict à la cocaïne, il n’a plus qu’un impact limité sur les parquets, au point qu’il soit transféré à la trade deadline 1983 du côté de … New-York, mais chez les Nets cette fois-ci. Si ses statistiques demeurent en berne, il est cependant élu meilleur intercepteur de la Ligue pour la seconde fois de sa carrière.
Puisqu’il ne parvient pas à se sortir de son addiction, il est envoyé en cure de désintoxication par son coach Larry Brown. En vain. En 1983 – 1984, après deux autres cures infructueuses en l’espace de 5 mois, il est suspendu par sa franchise pour une durée indéterminée. Cette suspension pouvait d’ailleurs sonner la fin définitive de sa carrière NBA. Ce ne fût pas le cas ; il rata 34 rencontres avant de faire son retour. Un retour qui porte la marque des pressions exercées par son agent d’alors sur la franchise, qui s’avérait également être le patron de l’association des joueurs.
C’est le début de la seconde partie d’une carrière qui en comporte trois. Grâce au retour en grâce de son meneur vedette, les Nets vont faire tomber les Sixers, pourtant champion NBA en titre, au premier tour des playoffs 1984. Sur la série de 6 rencontres, Richardson présente 20,6 points, 5,2 rebonds, 8,6 passes décisives et 4,2 interceptions de moyenne. Comme s’il avait retrouvé son meilleur niveau. La qualification porte d’ailleurs son sceau, lui qui réalisa un 24 / 6 / 6 / 6 à 55 % au tir et en 47 minutes pour venir à bout d’Erving, Cheeks et Malone (+ 3) lors du dernier match.
Il aura plus de mal en demi-finale de conférence face aux Bucks de Sidney Moncrief, double meilleur défenseur de l’année en titre. New-Jersey quittera donc les playoffs 1984 avec les honneurs (4 – 2).
Le come-back, quasiment parfait, sera confirmé la saison suivante, au cours de laquelle Sugar semble être dans la forme de sa vie. Il faut dire qu’il n’a alors que 29 ans et est censé être en plein milieu de son prime. Mais l’on sait désormais qu’il revient de loin. Dans une équipe des Nets qui nourrit des espoirs de playoffs, il forme un trio compétitif avec Otis Birdsong et Buck Williams, étant précisé que Darryl Dawkins vint également jouer les doublures sous les arceaux. Si la machine collective mit du temps à se mettre en marche (8 – 12 à la mi-décembre), le meneur affiche une forme resplendissante. Forme qu’il prolongera à cheval sur les mois de décembre 1984 et janvier 1985, pour décrocher une quatrième étoile d’All-star.
Il faut dire que sur les 16 rencontres disputées sur ladite période, la production du meneur était celle d’un candidat MVP ; 23,1 points, 5,4 rebonds, 8 passes décisives, 3 interceptions. D’ailleurs, à l’issue de la saison, il recevra des voix pour le trophée et se classa 14è. Plus encore que ses performances individuelles, qui lui valent le titre honorifique de retour de l’année 1985, le joueur semble à nouveau sain et définitivement débarrassé de son addiction. Son contrat prévoit d’ailleurs des contrôles fréquents qu’il passe avec succès.
Une élimination en playoffs plus tard (3 – 0 au premier tour face aux Pistons), il se lance dans sa troisième saison sous le maillot des Nets. Il se retrouve rapidement au bord d’une performance historique ; dans un match disputé et remporté face aux Pacers aux termes de 3 prolongations, il rendit la ligne statistique suivante : 38 points (career high), 11 rebonds, 11 passes décisives et 9 interceptions. Il est donc l’un des 7 joueurs à avoir terminé un match à une petite unité du quadruple-double, performance qui n’a plus été vue en NBA depuis celle de Drexler en 1996.
Et pourtant, la rechute n’était pas loin. Après une fête de Noël organisée par la franchise, qui s’est prolongée dans un bar de la ville, Sugar disparaît pendant 3 jours sans donner de nouvelle, ni à sa femme, ni à son équipe. La cocaïne venait de faire un retour fracassant dans sa vie. La cure de désintoxication qui suivit n’aura aucun effet. Il échouera trois fois d’affilées aux tests anti-drogue prévus par son contrat. C’est problématique lorsque l’on sait que depuis 1984 et l’intronisation de David Stern au poste de commissaire, la NBA s’est alignée sur la politique de la war on Drugs instituée par le Président Reagan. Terminée, la tolérance vis-à-vis des produits stupéfiants.
Dès lors, le 25 février 1986, après le troisième test raté, Micheal Ray Richardson est banni à vie de la NBA. Il est le premier joueur – pas le dernier, d’autres suivirent – à subir une telle sanction. Il fût permis de revenir au sein de la Grande Ligue en 1988, mais n’y rejouera plus jamais. En effet, il décida de traverser l’Atlantique pour jouer au basket-ball en Europe. Avec succès.
Ce n’est pas pour autant qu’il accepta pleinement sa sanction. Il considère que la NBA a fait de son cas spécifique un exemple dans la lutte anti-drogue, notamment pour des raisons raciales. Longtemps il a pointé du doigt les addictions de Chris Mullin, double hall-of-famer, avec lequel la Grande Ligue fît preuve d’une étrange clémence. A posteriori, difficile d’affirmer que Stern fût animé par des motivations raciales. Par contre, nul ne doute que Sugar fût cloué au pilori et que son bannissement servit d’avertissement pour tous les drogués de la Ligue.
Il rebondit pourtant très rapidement, et disputa 14 saisons en Europe, en remportant notamment la Coupe des Coupes avec le Virtus Bologne en 1990, ou le championnat de France sous le maillot d’Antibes en 1995. Titre qui porte son empreinte, lui qui inscrivit le buzzer beater salvateur pour remporter le game 4 de ces finales (81 – 80, victoire 3 – 1 contre Pau). Entre temps, il s’est permit de refuser une offre des Sixers. Il fit encore les belles heures d’Antibes lors de son retour au tournant du siècle, où ses performances permirent au club d’éviter la relégation. Micheal Ray Richardson avait alors 46 ans.
Il est la preuve vivante qu’après avoir tout perdu ou presque, il est possible de se reconstruire. Il ne fût qu’une étoile filante en NBA, mais fût longtemps seul sur sa planète en Europe. D’aucuns parleraient d’un mal pour un bien. Surtout qu’hormis un nouvel écart en 1992, il semblerait que le bonhomme se soit définitivement extirpé de la drogue.
Crédits et hommages
Il rencontrera David Stern en 1997 à Paris. Conscient de ses écarts et de leur gravité, et loin d’être animé pour un sentiment revanchard, l’ancienne gloire eut ces mots pleins de sagesse :
– “Je souhaite vous remercier”,
– “Me remercier ? Pour quelles raisons ?”,
– “Je veux vous remercier pour m’avoir sauvé la vie”.
Après avoir échappé à un destin qui aurait pu le mener entre six planches, Micheal Ray Richardson a donc rayonné en Europe, où notre Jacques Monclar national, qui l’a coaché à Antibes, déclara :
“Ses performances, aussi bien techniques qu’humaines, me laissent sans voix”.
Sugar Richardson était un OVNI, qui souffrait d’avoir grandi sans père. Écorché vif, il n’avait pas les ressources mentales nécessaires pour échapper aux pièges que l’argent, la célébrité et la vie new-yorkaise lui ont tendus. Larry Dobby, haut placé dans l’organigramme des Nets, résuma avec justesse la vie de Richardson après son bannissement :
“Micheal n’était pas un jeune à problème, c’était un jeune qui avait des problèmes”.
Aujourd’hui, la NBA a assoupli les contrôles liés à la drogue. Ainsi, nous avons appris qu’au cours de la saison 2020 – 2021, les tests inopinés relatifs à la marijuana étaient suspendus. Signe que la lutte menée par Stern, et dont Richardson fût la première victime, s’est désormais déportée vers celle contre le dopage. Reste désormais à voir si Adam Silver saura également prendre une mesure aussi marquante et symbolique que celle que prit son prédécesseur le 25 février 1986.
Les précédents épisodes et portraits du Magnéto :
- Cinq majeur #1 : Penny Hardaway (1994/95), Manu Ginobili (2007/08), Terry Cummings (1988/89), Jerry Lucas (1964/65), Nate Thurmond (1974/75),
- Cinq majeur #2 : Jason Kidd (1998/99), Tracy McGrady (2004/05), Rick Barry (1966/67), Elvin Hayes (1979/80), Neil Johnston(1952/53),
- Cinq majeur #3 : Isiah Thomas (1989/90), David Thompson (1977/78), Paul Arizin (1951/52), Tom Gugliotta (1996/97), Yao Ming (2008/09),
- Cinq majeur #4 : Baron Davis (2006/07), Bill Sharman (1958/59), Chet Walker (1963/64), Gus Johnson (1970/71), Jack Sikma (1982/83),
- Cinq majeur #5 : Tiny Archibald (1972/73), Dick Van Arsdale (1968/69), Bernard King (1983/84), Jermaine O’Neal (2003/04), Larry Foust (1954/55),
- Cinq majeur #6 : Fat Lever (1986/87), Richie Guerin (1961/62), Grant Hill (1999/00), Dan Issel (1971/72), Ben Wallace (2002/03),
- Cinq majeur #7 : Lenny Wilkens (1965/66) (Lenny Wilkens, bonus : le coach), Calvin Murphy (1975/76), Peja Stojakovic (2001/02), Shawn Kemp (1991/92), Arvydas Sabonis (1995/96), (Arvydas Sabonis, bonus n°1 : la carrière européenne), (Arvydas Sabonis, bonus n°2 : la carrière internationale).
- Cinq majeur #8 : Kevin Porter (1978/79), Tom Gola (1959/60), Xavier McDaniel (1987/88), Bob Pettit (1955/56), Vin Baker (1997/98),
- Cinq majeur #9 : Stephon Marbury (2000/01), Michael Cooper (1984/1985), Lou Hudson (1973/74), Tom Heinsohn (1962/63), Maurice Stokes (1957/58),
- Cinq majeur #10 : Slater Martin (1953/54), George Gervin (1980/81), Chuck Person (1990/91), Ralph Sampson (1985/86), Bill Walton (1976/77),